C’est une réforme de l’ensemble de notre système de santé qu’il faut engager !
Pour l’ancien ministre de la Santé, « père » de la loi hospitalière de 1991, la réforme qui doit être annoncée doit dépasser les frontières de l’hôpital stricto sensu. Il estime qu’il faut amplifier la coordination des acteurs publics et privés et renforcer le rôle des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT). Enfin, il plaide pour un assouplissement des statuts, des structures comme des personnels médicaux et pour une redéfinition des organes de gouvernance.
S’il est nécessaire que l’hôpital se réforme – et contrairement à certaines idées reçues, l’hôpital n’est pas figé – nous ne pouvons traiter une telle question sans la resituer dans la nécessaire réforme de l’ensemble de notre système de santé. C’est en effet l’ensemble du monde de la santé qui traverse une crise et pas seulement l’hôpital même si cette crise s’y manifeste de manière plus aiguë tant la pression y est forte.
Pour une réforme systémique de l’offre de soins
L’hôpital est l’un des acteurs de l’offre de soins. Il a certes sa propre logique, mais la place qu’il doit y assurer dépend du rôle qu’on fera jouer à l’offre de soins ambulatoire. C’est en effet une réforme systémique qu’il faut engager pour faire face aux défis auxquels notre système de santé est aujourd’hui confronté : que ce soit pour réduire les inégalités territoriales de santé et d’offre de soins ou pour mieux répondre à l’importance de plus en plus grande des maladies chroniques et du vieillissement d’une population polypathologique.
Ces prises en charge nécessitent une organisation mobilisant plusieurs acteurs sur une période parfois très longue, voire tout au long de la vie du patient. Si le recours à des plateaux techniques de diagnostic, de soins chirurgicaux ou de médecine spécialisée, s’impose par épisodes, cette prise en charge se fera de plus en plus dans un environnement territorial de proximité associant des professionnels de l’ambulatoire regroupés en exercice interprofessionnel et des établissements de médecine polyvalente.
Redéfinir la place de l’hôpital
Il faut donc alléger la place de l’hôpital dans l’offre de soins ou, plus précisément, la redéfinir. L’hôpital ne peut pas tout faire partout.. La première réforme est de renforcer la gradation entre l’offre spécialisée et l’offre plus généraliste. La mise en place des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) après la loi de janvier 2016 a commencé à organiser cette gradation. Dans des conditions certes différentes selon la maturité de leur projet médical, nous voyons se construire de plus en plus de complémentarités entre divers types d’établissements publics. Il faut renforcer cette démarche et redéfinir les missions et la place de chaque hôpital dans son environnement. Pour garantir la qualité des soins, et organiser un service mieux adapté aux besoins de la population, il faut organiser, au sein des GHT, le redéploiement des plateaux techniques ayant une faible activité vers des centres plus performants et faire évoluer les établissements de proximité vers des missions polyvalentes.
Les GHT conduisent à la mise en place de directions communes à plusieurs hôpitaux, qui permettent d’organiser une meilleure cohérence du pilotage des établissements et donc de l’offre de soins hospitalière. Si la fusion juridique des établissements est encore difficile à accepter pour de nombreux élus locaux, ce mouvement sera pourtant inéluctable. La première marche dans ce sens pourrait être de doter les GHT de la personnalité morale.
Mailler le territoire
Pour aussi intéressante que soit cette démarche, les GHT ne peuvent avoir le monopole de l’organisation territoriale des soins. L’organisation d’une gradation de l’offre doit concerner tous les établissements quel que soit leur statut juridique : public ou privé, et y associer les professionnels de l’ambulatoire. Il s’agit de construire sur chaque territoire un maillage de l’ensemble des acteurs de soins en lien avec les acteurs sociaux et médico-sociaux et dépasser ainsi les cloisonnements dont souffre trop notre système.
Il faut « casser les cloisons », et, par exemple, permettre aux cliniques privées d’inscrire, en fonction des besoins territoriaux, une partie de leurs activités (et non la totalité comme c’est le cas aujourd’hui) dans le cadre du service public hospitalier avec des tarifs opposables ; permettre aux médecins de passer plus facilement d’un exercice libéral en ville à un exercice salarié au sein d’un établissement (ou inversement) et proposer aux jeunes générations un nouveau statut unique.
Traquer les rigidités dans les hôpitaux
Quant à l’hôpital lui-même, il faut traquer toutes les rigidités qui alourdissent aujourd’hui son fonctionnement et notamment repenser les instances de gouvernance et de dialogue social. À quand, par exemple, la fusion du CHSCT et du CTE à l’hôpital alors que cela a été fait dans le secteur privé ?
L’échange de données de santé entre acteurs de santé doit faire l’objet d’une nouvelle réflexion. Chacun ne peut plus demeurer dans une logique de silo à l’heure des plateformes. À quand l’hôpital véritablement connecté ?
L’hôpital se réforme trop lentement au regard des enjeux. Il ne s’agit pas de « casser l’outil » mais d’accélérer le mouvement en lui donnant du sens.
* Avocat associé au cabinet Houdart et associés, ancien directeur général ARS Île-de-France, ancien ministre dela Santé.
19.07.2018 dans le quotidien du médecin