réseaux ou zéro… quel avenir pour l’accès aux soins?

On les aurait presque oubliés, tant les négociations pour un « reste à charge zéro » en optique, dentaire et audiologie ont accaparé les efforts du nouveau gouvernement en faveur d’un meilleur accès aux soins. Les réseaux de soins gardent pourtant de fervents adeptes. Parmi eux, le think tank Terra Nova, réputé de gauche, qui plaide dans une note publiée en mai pour leur développement au-delà des limites fixées par la loi Le Roux.

« Les pouvoirs publics seraient avisés de rouvrir le dossier des réseaux de soins. » A l’heure où le gouvernement pourrait les « contourner » dans le cadre du reste à charge zéro (RAC 0), c’est un plaidoyer pour les réseaux de soins que publie l’association Terra Nova. La question se pose : à l’horizon 2021, alors que certaines lunettes, prothèses dentaires et auditives seront intégralement remboursées, les réseaux de soin auront-ils encore une raison d’être ?

Les grandes plateformes des gestion (Santéclair, Kalivia, Itelis, Sévéane, CarteBlanche et Istya) ont brillé par leur absence lors des négociations sur le RAC 0, qui ont associé la Cnam, les complémentaires, les fabricants et les représentants des professionnels. Les accords conclus le mois dernier réduiront à néant le reste à charge pour bon nombre d’équipements standard en optique, dentaire et audiologie, rétrécissant d’autant le champ d’action des réseaux de soins. Mauvaise idée, selon le Think Tank Terra Nova, qui appelle les pouvoirs publics à ne pas marginaliser les réseaux de soins mais, au contraire, à reconnaître plus largement leurs « vertus ».

Aujourd’hui, 50 millions de personnes ont accès à un réseau de soin via leur complémentaire santé. Reste que les réseaux de soin suscitent de « fortes résistances » chez les professionnels. Si plus de la moitié des opticiens et les trois quarts des points de vente en audioprothèses sont affiliés, le plus étendu des réseaux ne rassemble « que » 14% des 40.000 chirurgiens-dentistes. Quant aux médecins, ils y ont opposé une fin de non-recevoir, écrite noire sur blanc dans la loi Le Roux. « Les réseaux de soins sont vus, par certains, comme susceptibles de borner trois libertés auxquelles les professionnels de santé sont particulièrement attachés », relève le think tank : liberté de choix du professionnel pour le patient, liberté de prescrire pour le professionnel et liberté de fixer les tarifs. « Cette opposition mérite pourtant d’être largement dépassée », estime l’association. Car les réseaux de soins peuvent soigner les « maux » du système de santé.

D’abord, comme l’a récemment démontré l’Igas, les réseaux de soins permettent de réduire le reste à charge de 50% en optique, de 18% en audiologie et de 5% en dentaire.  Le think tank reconnaît néanmoins que leur impact sur la qualité des soins reste difficile à démontrer, en l’absence d’indicateurs.

A l’heure où les pouvoirs publics font la chasse aux 30% d’actes inutiles, les réseaux pourraient « jouer le rôle de tiers de confiance », souligne Terra Nova. Surtout, ils pourraient intervenir plus largement dans la gestion du risque là où l’Assurance maladie a échoué. Le taux d’atteinte des économies réalisées dans le cadre de la maitrise médicalisée des dépenses d’assurance maladie a chuté de 130% en 2005 à 65% en 2016, relève la note.

Et d’enfoncer le clou : « les formules successives de rémunérations au forfait dont peuvent bénéficier certains professionnels de santé, en particulier les médecins, sont toujours sources de dépenses nouvelles, sans même faire l’objet de contreparties claires, vérifiables et évaluables… » Pour Terra Nova, dans un contexte budgétaire contraint, « on ne devrait pouvoir se payer le luxe d’une dépense non performante, voire inefficace ».

Cantonner les réseaux de soins aux seuls secteurs où les assureurs santé privés sont financeurs majoritaires n’apparaît donc « ni probant ni réellement pertinent », statue le think tank. A fortiori lorsque les pouvoirs publics viennent marcher sur leurs plates-bandes avec le RAC 0.

L’association ne voit qu’une seule option : en finir avec l’approche « réductrice, centralisatrice et peu adaptée aux réalités locales » de la loi Le Roux. Elle propose « d’ouvrir des possibilités de contractualisation dérogatoires » en permettant à un syndicat représentatif de signer un accord avec un réseau pour, par exemple, « proposer de nouveaux modes de rémunération », « imaginer de nouvelles organisations » ou « mieux prendre en charge les pathologies chroniques ». Cette extension des réseaux de soin irait de pair avec une évaluation de la qualité et une « gouvernance plus transparente et responsable ».

Sans surprise, la note a fait bondir certains représentants des médecins, au premier rang desquels le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. « Les réseaux de soins développés actuellement par les assureurs complémentaires sont contraires aux fondamentaux de notre République », rappelle-t-il fermement, fustigeant la sélection des professionnels opérée par certains réseaux. En revanche, le syndicat n’est pas fermé à « un contrat de type conventionnel établissant des relations équilibrées, libres et sans sélection entre les médecins et les assureurs complémentaires »comme celui qu’il vient de conclure avec Klesia pour la mise en place d’une consultation prévention. Quant au Dr Marty de l’UFML, il s’est étonné de l’anonymat gardé par l’auteur de la note sur un sujet aussi « orienté ».

Par Aveline Marques le 20-07-2018 in Egora.fr

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