ROSP (Suite) : « Certains généralistes ont perdu 10 000€ »

Dans un article sur la ROSP (rémunération sur objectif de santé publique), rédigé précédemment (cliquer ici), j’attirais votre attention sur le fait que nous allions attaquer une période beaucoup moins gratifiante pour les médecins qui y ont souscrit.  En moyenne, la baisse de la ROSP serait de 37 %.

L’observatoire de la ROSP mis en place par Les Généralistes de la CSMF a recueilli les témoignages de confrères dont certains ont perdu gros dans la nouvelle édition de la ROSP…

…Le Dr Luc Duquesnel, le président des Généralistes de la Confédération explique qu’au-delà du partage de la ROSP en deux versements cette année, des erreurs dans le seuil de déclenchement d’indicateurs ou dans la manière de faire des requêtes sont à l’origine d’une perte moyenne de 37 % de la ROSP en 2017.

Egora.fr : Un grand nombre de médecins généralistes ont protesté en découvrant le montant de leurs rémunérations ROSP 2017, souvent très en retrait par rapport à l’année précédente. Au point que les Généralistes de la CSMF ont mis en place un « observatoire » afin de pointer les écarts ou erreurs. Quelles ont été les constatations de cet observatoire ?

Dr Luc Duquesnel :  Nous avons recueilli plusieurs centaines de réponses et plus de 95 % de ceux qui se sont exprimés ont noté une diminution importante de leur ROSP. Il ne s’agit pas d’un baromètre scientifique étant entendu que ce sont surtout les médecins généralistes qui ont subi une diminution importante qui ont répondu – quand bien même certains ont signalé une progression.

Néanmoins, il faut garder à l’esprit que la ROSP a été coupée en deux cette année, avec une première partie versée en avril-mai et une seconde, le forfait structure, qui le sera en juin. Il faudra donc attendre ce dernier versement pour y voir tout à fait clair.

Pour autant, on a une petite idée de ce que sera le forfait structure, et l’on voit des médecins qui sont en diminution de 30 à 80 %. Des médecins perdent plus de 10 000 euros ! L’un d’entre eux, qui travaillait sans doute avec une assistante et un SASPA, était à 24 000 euros, il est à 14 000 !  En moyenne, la baisse de la ROSP est de 37 %. Ce qui veut dire clairement que le forfait structure ne va pas compenser la perte.

Donc, le compte n’y est pas?

Ah, pas du tout ! Et ce qui est intéressant c’est que chaque médecin qui a contacté l’observatoire, avait la possibilité de laisser des remarques.  Elles sont de deux types. Il y a d’une part, les gens qui condamnent la ROSP comme une « belle arnaque », estimant que l’assurance maladie qui avait accordé 2 euros sur le C l’an dernier, en reprend 1 sur la ROSP. Ils brocardent les nombreuses erreurs sur les chiffres et les propos sont très virulents contre cette rémunération. Deuxième catégorie, celle des médecins qui ont regardé de près la composition de leur rémunération, et ne comprennent pas pourquoi sur le diabète, sur l’INR (suivi des patients sous anticoagulants. Ndlr), ils ont zéro point alors qu’ils n’ont rien changé à leur pratique. C’est l’incompréhension et c’est un véritable problème, parce que ces médecins qui analysent leurs chiffres sont dans la démarche de la ROSP, même si elle est encore imparfaite, autour de la pertinence et de la qualité. Les chiffres de la caisse ne correspondent absolument pas à la réalité de leur pratique, mais ils n’ont ni le temps ni les moyens d’en apporter la preuve. Alors, ils subissent et c’est désastreux par rapport à l’esprit de la ROSP, que je défends.

Le directeur de la CNAM, Nicolas Revel, avance que les « gagnants » de la ROSP forment 49,9 % des médecins généralistes, contre 50,1 % des perdants. Il dit aussi qu’il s’engage à mettre en œuvre des ajustements s’ils sont nécessaires. Votre réponse ?

Je dis qu’il faut maintenant comprendre ces chiffres. Et surtout ne pas oublier qu’ils ont été multipliés par 1,7 % (du fait de l’application de la clause de sauvegarde prévue par la convention 2016 en cas de baisse de plus de 10 % de la ROSP lors de la première année de mise en place des nouveaux indicateurs Ndlr). Nicolas Revel s’est retranché derrière le fait que ces indicateurs ont été élaborés par le Collège de la médecine générale auquel adhèrent tous les syndicats représentant les médecins généralistes. Mais ce n’est pas le Collège qui a proposé les différents seuils de déclenchement de la ROSP ! C’est l’assurance maladie, au travers des données dont elle disposait. Donc, l’assurance maladie s’est complètement plantée en 2016, lors de la négociation conventionnelle, qui a défini les seuils.  Ce sont ceux-là qui s’appliquent aujourd’hui. Imaginons ce qui se serait passé sans l’application de cette clause de sauvegarde ? Mais on serait à 100 % de médecins généralistes en perte ! Ce qui veut bien dire qu’il y a eu un véritable problème. Nous avons travaillé sur les indicateurs au sein du Collège de médecine générale, tout ce que nous avons proposé n’a pas été retenu, mais nous n’avons pas travaillé sur les seuils. Il n’y a que l’assurance maladie qui peut le faire, avec le SNIIRAM (Système national inter régime de collecte des données), qui lui donne un état précis de la pratique des médecins généralistes.

Mais dans toute cette histoire, ce qui m’embête le plus, c’est l’atteinte à l’esprit de la ROSP, un acquis positif, important pour engager notre exercice dans une démarche qualité. J’en profite pour rappeler que lorsque la ROSP a été mise en place, l’assurance maladie avait expliqué aux syndicats médicaux qu’eu égard à la période de restriction budgétaire que nous traversions, il était impossible de revaloriser le C de 2 euros. Mais que la revalorisation issue de la ROSP correspondait à 2 euros sur le C. Voilà comment cela nous a été présenté, et pourquoi les syndicats l’ont accepté. Si des médecins perdent jusqu’à 10 000 euros sur leur ROSP, cela pèse dans leur entreprise ! Et si ces médecins, en plus, ne comprennent pas pourquoi, cela ne peut amener qu’à un refus de la ROSP. C’est le principal problème que cela pose.

Y voit-on un peu plus clair sur l’origine de ces erreurs ?

L’assurance maladie a fait des analyses, des choses vont bouger. On a vu qu’il y a aujourd’hui des indicateurs qui ne dépendent pas du médecin généraliste mais de son environnement, d’autres spécialistes, de l’hôpital, des réseaux qui prennent totalement en charge les diabétiques par exemple. Il y a aussi des erreurs concernant la manière de faire des requêtes, je pense notamment aux INR. Si je mets un patient sous AVK en octobre, il ne va y être que sur les trois derniers mois de l’année. S’il doit avoir 10 ou 12 INR dans l’année, cela doit démarrer au 1er octobre et pas au début de l’année 2017. On commence à identifier ces erreurs.

C’est donc un « couac » désolant.

Oui, car cela remet en cause l’idée même d’une rémunération sur la pertinence de la pratique et cela dévalorise ceux qui s’inscrivent dans une démarche qualité.

Mais a priori, la porte est ouverte à la CNAM pour améliorer le mécanisme…

Et heureusement, car sinon, il n’y aurait plus eu de ROSP dans la prochaine convention médicale.

Par Catherine le Borgne le 25-05-2018 sur Egora.fr

 

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