Incohérences de la vraie vie ou Description d’un parcours de vie et professionnel médical de m**** (À lire absolument)

J’ai trouvé ce témoignage dans un mail, et du coup, exceptionnellement je ne suis pas en mesure de citer mes sources. Mais j’ai été entraîne sur le toboggan de la « logique illogique » qui a amené un confrère là où il ne devrait pas se trouver…. Quel gâchis +++. Serge

Le 21 mars dernier l’assemblée a voté la suppression du concours et du statut de PH (praticien hospitalier)
Benoît a présenté le concours le 18 février de cette même année

« C’est l’histoire de ma viiiiiiiiie… » (rires) a été sa réaction.

Bio express de Benoît :

1985 : 
– Naissance à Mont de Marsan. 

1988 : 
– Le SAMU intervient pour un malaise dans le supermarché où il se trouve avec sa maman. 
—> « C’est ces pompiers là que je veux faire plus tard !!! »

1988-2002 : 
– Dit à tout le monde qu’il sera chirurgien.
– S’emmerde à l’école et attend gentiment que les « choses sérieuses » commencent 
– Regarde « Il était une fois la vie » et « Urgences » en boucle à la télé
– Opère les poupées de ses soeurs et rédige des comptes rendus opératoires fictifs (conservés aujourd’hui en lieu sûr)
– Passe son bac à 17 ans

2003 : 
– Reste enfermé chez lui à apprendre plein de trucs par coeur (voir film « Première année » pour l’ambiance)
– Réussit son concours de médecine (PACES) du premier coup en étant classé 27ème sur 650 (Il y a 110 places). Bravo !
– Travaille l’été comme aide-soignant dans un hôpital pédiatrique. Torche le cul des enfants qui ont le cancer, les emmène au zoo et leur joue de la guitare. C’est la révélation : il sera chirurgien-pédiatrique. 

2008 (23 ans) :
– Après 6 années de médecine, il passe le concours de l’internat (ECN)
– Classé 170ème sur 5836, il choisit « chirurgie-Paris ». Bravo!

2008-2013 :
– Interne à l’APHP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) (voir film « Hippocrate » pour l’ambiance)
– Travaille entre 80 et 110 heures par semaine. 
– Est payé 2000 euros par mois. 
– Change de service et d’hôpital tous les 6 mois. 
– Fait des gardes sans repos de garde le lendemain. 
– Perd progressivement ses loisirs et ses amis. 
– Est traité comme de la merde car il est qu’un « étudiant ». 
– Accepte son sort. « Y’a que comme ça qu’on apprend le métier » 

2009:
Loi hôpital Patients Santé Territoires. Privatisation des instances hospitalières. L’hôpital est désormais une entreprise qui doit faire du chiffre. Merci Sarkozy. Chaque acte doit être noté et quantifié, sinon « pan-pan cul cul»!

2014 (29 ans):
– Devient père
– Présente sa thèse et devient « docteur » (serment d’Hippocrate)

2014-2016 :
– Est chef de clinique (CCA) post-internat à l’hôpital (et non pas en clinique comme son nom pourrait le faire croire)
– A 3 missions : l’enseignement, la recherche et la clinique. Et pas de moyens.
– Est « mis en responsabilité » : il opère « ses » patients », gère « ses » consultations, enseigne à « ses » internes (qui ont eux maintenant le droit à leur repos de garde…)

2015 : 
– Obtient son diplôme de chirurgien pédiatrique (Validé par une année de clinicat. C’est la règle)

2016 :
– Burn-out. Continue quand même à aller bosser et cherche une solution pour s’en sortir.
– Arrête son clinicat 1 an plus tôt que prévu. Rend son poste dans un prestigieux CHU parisien pour partir faire de l’humanitaire dans l’océan indien.
– Son fils de 2 ans tombe gravement malade. Plus possible de partir.
– N’est pas repris par L’APHP, atterrit dans un CHU de Province

2016 – jusqu’ à aujourd’hui :
– Praticien contractuel (CDD) en CHU. Payé 3500 euros mois (pour 13 ans d’études)
– D’astreinte pour son propre enfant toutes les nuits 

2019 :
– Présente le concours de PH (Praticien Hospitalier) pour devenir enfin titulaire, signer un CDI et être un fonctionnaire protégé. Il y a une baisse de salaire à la clé (me demandez pas pourquoi) mais comme ça il aura une meilleure protection sociale. 

Et donc aujourd’hui, c’est la réforme « Ma santé 2022 ».
La ministre annonce la suppression du « numérus clausus » (qu’il fallait faire y’a 20 ans pour éviter le déficit de médecins, mais soit), celle du concours de l’internat (et allez!) mais surtout et c’est ce qui me fait écrire ce petit message aujourd’hui : la suppression du concours et du statut de PH !
Et pour faire passer la pilule la ministre dit que cela a pour objectif de faciliter une activité mixte « privé-public ». Elle encourage les médecins qui bossent à l’hôpital à faire également du privé en clinique, histoire de mettre, je la cite, « du beurre dans les épinards ».Ce ‘que je comprends comme : « On a pas de sous pour vous, alors allez en chercher ailleurs ! »

SO-DO-MIE Agnès !
GROS FOUTAGE DE GUEULE !
Car c’est TRÈS TRÈS COMPLIQUÉ pour un chirurgien pédiatrique de faire du privé en clinique !!! 

Pour info, un chirurgien pédiatrique (ou infantile c’est comme on veut) est un chirurgien hyper spécialisé. C’est la plus petite spécialité chirurgicale. Ils sont environ 300 en France quand, pour vous donner un exemple, il y 4000 chirurgiens généraux et 3000 chirurgiens orthopédiques. 

Un chirurgien pédiatrique, comme son nom l’indique opère exclusivement les enfants (=0 à 18). Il peut donc opérer un ado de 15 ans de l’appendicite (ce que peut faire un chirurgien viscéral adulte on est d’accord) mais opère surtout des bébés, et parfois des grands prématurés de moins de 1kg, voire de 500gr avec des malformations multiples. Pour faire cela, il faut des techniques particulières et un matériel particulier. Il faut également avoir à ses côtés un anesthésiste capable d’endormir un bébé en toute sécurité. On parle de sauver des vies là ! Par ailleurs, il est interdit par la loi d’opérer un enfant de moins de 1 an en dehors d’un CHU. (alors qu’on laisse des chirurgiens d’adultes opérer des enfants… mais c’est un autre sujet)

On comprend donc que la chirurgie pédiatrique ne s’apprend qu’à l’hôpital et s’exerce difficilement dans le privé ! Et là, vous imaginez le truc ?
« Bonjour, je vais fendre votre bébé en deux et il va peut être mourir… Ah excusez-moi, l’heure tourne, faut que je vous laisse pour faire une circoncision en clinoche pour arrondir me fins de mois »

Et bien non ! Ca ne marche pas ! 
Un peu de RESPECT bordel !!!!! 
« Du beurre dans les épinards »… 

Sinon, ce matin, Benoît a reçu une lettre avec les résultats de son concours qui sert plus à rien : 16,5/20.
Bravo !

7 Commentaires

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  1. Intéressant
    Laisse rêveur….

  2. Atterrée..

  3. Un parcours médical dans la souffrance….

  4. La source -je pense – c’est fb sur la page de Alliance des Professions de Santé , puis repartagé sur des groupes de médecins (divan des médecins) .
    A lire aussi le témoignage du compagnon de l’interne de garde à la Pitié le we dernier ( page face book de Joachim Mllner ) mais ça a été partagé + 38000× et repris par QDM . Jusqu’à quand on va accepter d’être déconsidéré comme ça ?
    Bises à tous

  5. C’est évidement un coup de poing dans le ventre de lire un tel témoignage même si ce parcours peur paraître hors norme.
    ceci dit je ne sais pas quand a eu lieu le virage de notre déconsidération ( je sais pas si c’est français ) mais nous avons du mal nous vieux médecins à accepter cette perte d’image et de reconnaissance.
    çà rejoint ce que je vais dire sur le sujet considéré comme violent du PrVallencian.

  6. Quel gâchis
    À tout cela il faut ajouter l’administration envahissante et maltraitante qui va gérer les nominations et l’organisation du travail tout cela explique les Burn Out et ce qui est dénoncé par l’association jean Louis megnien rappelée dans le livre : « hôpitaux en détresse patients en danger » Pr philippe Halimi et Christian Marescaux
    Malheureusement les plus jeunes n’auront pas connu autre chose il vont être formatés dans ce moule et pour se protéger beaucoup viendront faire un job posté sans l’écoute l’investissement et l’empathie qui fait la richesse de notre métier
    Ça va être dur pour nous en tant que patient potentiel !
    Amitiés

  7. Une vocation détruite et combien d’autres !

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