La trépanation est universelle… A côté des trépanations médicales, il a toujours existé et il existe encore de nos jours, des trépanations à connotation rituelle voire spirituelle.
La découverte dans un grand nombre de sites du Néolithique (âge de la pierre polie) de crânes présentant des trous effectués délibérément, conduit à penser …
que le rôle du cerveau dans les fonctions supérieures a été évoqué bien avant l’essor des grandes civilisations.
Des tribus d’Afrique centrale aux peuples marins de Polynésie, en passant par les médecins médiévaux d’Europe ou la Méso-Amérique précolombienne, la trépanation qui est l’art de creuser des trous par découpage ou forage dans les crânes humains, est courante et fait même figure de traitement médical. Que ce soit en perçant un trou à l’aide d’un outil appelé « trépan » ou en découpant le crâne à l’aide d’instruments tranchants, la trépanation est universelle.
Ainsi, dans une sépulture française de 6500 avant J.-C, environ un tiers des 120 crânes préhistoriques trouvés présente des orifices de trépanation et dans le seul Pérou plus de 10.000 crânes trépanés ont été déterrés.
Pourquoi nos ancêtres faisaient-ils des trous dans le crâne ?
Les motivations d’une telle pratique demeurent mystérieuses : utilisation du morceau d’os enlevé comme amulette éloignant les esprits maléfiques, traitement des maux de tête sévères ou de l’épilepsie, ou voie de sortie des « mauvais esprits » de la tête?
- Classiquement,
Les chercheurs estiment que la trépanation était réalisée à des fins médicales. En effet, il s’agit d’une façon assez archaïque de soulager la pression intracrânienne. Les «médecins» à travers le monde entier, et apparemment de façon totalement indépendante les uns des autres, réalisent cette opération depuis la préhistoire dans le but de soigner des traumatismes crâniens ou encore des maladies neurologiques. Durant le Moyen Âge et au-delà, on pratiqua la trépanation pour tenter de soulager les attaques cérébrales et améliorer les fractures du crâne. Albucasis, l’un des plus grands chirurgiens musulmans du Moyen Âge, utilisait un trépan pour cette opération, qu’il considérait comme sans risque et pouvant être réalisée par « l’opérateur le plus ignorant et le plus peureux des hommes ». Toutefois, disait-il « si la dure-mère devient noire, vous devez savoir que [le patient] est condamné ».
Bien entendu, à des époques où la médecine se mêlait à la sorcellerie ou à la religion, une certaine aura mystique entoure cette pratique. Ainsi, l’opération permettait pour certains de laisser sortir les esprits des personnes possédées.
Les trous sur les crânes ont des tailles allant de quelques centimètres de diamètre à presque la moitié du crâne. Il n’est pas établi si les opérés étaient anesthésiés avec de l’alcool ou des feuilles de coca par exemple, ou s’ils ne bénéficiaient d’aucune analgésie. Beaucoup d’exemples de crânes trépanés montrent une cicatrisation de l’os en bordure du trou, ce qui suggère que les individus aient survécu à ce traitement.
Cette technique initialement commune à l’humanité en tous points du globe, aurait disparu progressivement pendant le moyen âge européen, la médecine se tournant vers des pratiques moins invasives, sauf certaines cultures reculées qui ont continué la pratique jusqu’au début du 20e siècle.
Une pratique médicale avérée puisque les crânes trépanés découverts par les scientifiques montraient toujours des traces de traumatisme ou de maladie… A quelques exceptions près…
- En effet, une autre théorie a vu le jour récemment:
En 1997, des archéologues découvrent un site préhistorique près de la ville de Rostov-on-Don, dans le sud de la Russie, à proximité de la mer Noire et y exhument les restes humains de 35 personnes répartis dans 20 tombes séparées. Le site est daté d’environ 5000 à 3000 ans avant J.C, ce qui le place dans l’âge de bronze. Une découverte ordinaire sauf qu’Elena Batieva, l’anthropologue en charge du site, y découvre des crânes particuliers.
Dans un tombeau, deux femmes, trois hommes, un enfant et une adolescente sont découverts avec pour point commun d’avoir le crâne trépané d’une façon peu ordinaire. Les trous de la trépanation se situent au sommet du crâne, grand de plusieurs centimètres. Seul le crâne de l’enfant semblait intact.
Ces trous ont tous été réalisés à un point précis du crâne situé sur la suture sagittale au niveau des trous pariétaux. appelé obélion. L’ouverture du crâne à cet endroit précis est très dangereuse, pouvant causer de très graves hémorragies et s’avère presque automatiquement létale. Les chercheurs précisent également que moins d’un pour cent des crânes trépanés retrouvés à travers le monde sont ouverts à ce niveau.
Encore plus étonnant, un autre crâne a été découvert avec le même aspect en 1974, dans un site en Russie assez proche de celui étudié en 1997.
Aucun des crânes ne permet de penser que les victimes de cet acte souffraient de maladie ou de traumatisme, ce qui allait à l’encontre de ce que pensaient jusque-là les chercheurs.
L’anthropologue effectue quelques recherches dans la littérature scientifique et découvre que d’autres crânes similaires ont été découverts dans la région, datant tous de la même époque. Cela indique que cette partie du monde a pu être un lieu de recherche, de réflexion et de pratique sur la trépanation expérimentale ou rituelle comme le montrent les cas de trépanation au niveau de l’obélion.
En 2016, Julia Gresky, anthropologue allemande, aidée d’Elena Batieva et d’autres chercheurs, publie un article qui fait suite aux recherches commencées près de 20 ans plus tôt. Maria Mednikova, chercheuse à l’Académie des Sciences de Moscou, experte de la trépanation, y affirme que l’opération aurait servi à induire une profonde transformation chez le sujet trépané.
Elle propose l’idée que les trépanés souhaitaient acquérir des aptitudes extraordinaires au sens propre, c’est-à-dire que les membres normaux de la société ne possédaient pas. Des recherches plus approfondies ont montré que seule une personne sur les cinq crânes découverts en 1997 avait succombé à l’opération alors que les autres avaient survécu pendant plusieurs semaines pour certains et plusieurs années pour d’autres, l’os ayant commencé à cicatriser.
La trépanation non médicale aujourd’hui
Ces dernières années, un certain nombre d’originaux ont pratiqué des auto-trépanations, pensant que cette pratique faciliterait leur quête spirituelle.
La vérité sur ces trépanations « non médicales » ne sera peut-être jamais découverte, et cet acte mystique dans un cadre rituel, fait encore l’objet de fantasmes.
Ainsi, dans les années 60, quelques figures du mouvement de la Beat Generation s’y sont intéressées. Alors que les drogues hallucinogènes, rencontraient un certain succès et pouvaient pour certaines ouvrir l’esprit à un monde spirituel (période psychédélique, LSD), d’autres se sont orientées vers cet acte plus occulte.
Le cas de Joe Mellen restera dans les annales puisqu’il a pratiqué une trépanation sur son propre crâne en 1970. Aujourd’hui âgé de 76 ans, cet homme a raconté son histoire dans un livre intitulé Bore Hole et comment cette opération a changé sa vie, dans le but bien plus spirituel « d’élever son esprit et non de simplement vivre dans un état de défonce permanent » …
Si vous êtes intéressé, découvrez l’interview de Joe Mellen ici