Les manières de salle de garde, un patrimoine menacé

Ethnologie : du folklore au patrimoine immatériel

Les manières de salle de garde, un patrimoine menacé

Docteur Emmanuelle Godeau

La recherche sur laquelle repose cet article analyse la place des coutumes des marges de l’apprentissage universitaire dans la construction du personnage du médecin spécialiste français, dans lequel l’internat et les manières à y apprendre sont centrales. Environ cent entretiens ethnographiques avec des spécialistes d’âges et d’exercices variés ont été menés. L’internat concerne les futurs spécialistes, reçus au concours de l’internat qui donne accès, après 6 années d’étude communes à tous les médecins, à une formation propre de 4-6 années supplémentaires, pendant laquelle ils apprennent non seulement leur profession auprès de malades et de patrons, mais aussi les manières constitutives du personnage du spécialiste, en fréquentant internes et internats.

Chaque midi à table, les internes acquièrent ces manières de salle de garde. À travers l’apprentissage de règles contraignantes et souvent paradoxales, de savoir-dire et de savoir-faire, autrement dit de savoir-être propres au groupe, ils vont acquérir une compétence spécifique : nouveau calendrier, nouvelle langue, nouveau code comportemental, nouvelle hiérarchie, nouveaux devoirs… dont le non-respect est sanctionné par des gages codifiés. La mise en place de rituels collectifs fondant la communauté, l’application de codes précis, la valorisation de modèles identificatoires permettent à chacun de prendre place, de s’impliquer selon une organisation concentrique, de donner sens aux expériences en cours en les intégrant dans une logique initiatique. Cet apprentissage se singularise par le fait qu’il coexiste avec celui d’un langage médical parfois complexe, d’attitudes professionnelles codifiées, d’un sens de la hiérarchie aiguisé, d’un code de déontologie rigoureux… autant de caractéristiques propres au monde hospitalo-universitaire.

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Mots-clés :

rites initiatiquesinternat de médecinesalle de gardemédecin spécialistes

Keywords :

initiationmedial internshipstaffroomconsultant

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Plan

Le cadre

Les usages : savoir se tenir autour de la table

« D’une tape amicale tes collègues salueras »

« Toujours près du dernier assis ton cul tu poseras, ainsi jamais place vide tu laisseras »

« Toujours la quinconce tu respecteras »

« Toujours soigneusement tes instruments tu cacheras »

« Jamais de ta bouche un terme médical ne sortira et seul le cuisinier de ta vulgarité jugera »

« En salle de garde, toujours en blouse tu viendras »

Battues, projections et tonus

« Performance, fait heureux, répartie insidieuse, arrivée d’un collègue apprécié tu salueras. Alors ton couteau sur l’assiette frotteras. »

« Pour marquer ta joie jamais tu n’applaudiras. Tandis que l’économe une battue proposera »

« Une fois au début du semestre et une fois à la fin du semestre, l’économe un tonus (ou un enterrement) organisera »

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  • 1 – Une première version de cet article a été publiée dans le catalogue de l’exposition du bicentenai (…)
  • 2 – Pour une analyse des dissections en termes d’initiation : GODEAU, Emmanuelle. « Dans un amphithéâ (…)
  • 3 – Pour une analyse complète du parcours coutumier de formations des futurs médecins spécialistes : (…)

1Pour des raisons à la fois pratiques et historiques, essentiellement liées à la place des gardes dans la formation des futurs médecins et singulièrement des internes, ainsi que dans le fonctionnement de l’hôpital depuis le XIXe siècle, la salle de garde apparaît indiscutablement comme le lieu central et spécifique de la vie des internes des hôpitaux1. Or, ce qui la caractérise en tant que telle, ce ne sont pas tant des locaux ou une disposition qui lui seraient particuliers, comme nous allons rapidement le voir, mais des usages et des conduites qui constituent de véritables « manières de salle de garde ». Ces usages, il est vrai, s’inscrivent matériellement dans l’espace pour transformer des bâtiments hospitalo-universitaires banals, indifférenciés, en des lieux « mythiques », que leurs défenseurs donnent volontiers à voir, notamment au travers de constantes références à de brillantes « traditions de salle de garde » supposées disparues ou du moins en voie de déclin. Or, dans le même temps, à travers l’acquisition progressive des « manières » caractéristiques des internes en ce lieu, les étudiants en médecine vont eux aussi subir un processus de transformation, qui vient prolonger celui inauguré par leurs premières dissections2 ou leurs premières blagues de carabins, et qui se terminera avec la soutenance de leur thèse. Dans ce parcours, que l’on peut qualifier de coutumier, qui, pour se dérouler dans les marges de la formation clinique et universitaire, n’en est pas moins porteur de sens et d’efficacité3, l’internat occupe une place centrale. Faute de pouvoir ici analyser tous les moments forts de ces années fondatrices, nous n’aborderons que les règles qui les gouvernent, en tant qu’elles servent à la fois de point de départ et de toile de fond à l’apprentissage de ces manières. Non sans commencer par en caractériser le lieu singulier qui les voit se développer.

Le cadre

  • 4 – Les phrases citées entre guillemets sont, sauf indications contraires, des citations d’anciens in (…)

2Aujourd’hui comme hier, les internes et anciens internes ne cessent de vanter l’ambiance des salles de garde. D’autres déplorent à l’inverse le fait qu’on ne s’y amuse plus autant : « C’est vrai qu’il se passe pas grand-chose… y’a plus d’ambiance » (Olivier G., promotion 1985, Montpellier)4, ce qui sous-entend bien indirectement qu’auparavant il y en avait (fig. n°1). Les nostalgiques et les désabusés tendent à interpréter cette évolution comme l’indicateur de la « dégénérescence des salles de garde actuelles, voire de la mentalité des internes » : « C’est la course aux diplômes et on a plus le temps de s’amuser », déplore Benoît D. (promotion 1981, Bordeaux) qui, à propos des traditions de l’internat tant vantées par son père et son grand-père, anciens internes, conclut amèrement : « c’est un peu dommage qu’on ait tout perdu ». Pourtant, souvent, après ce préambule pessimiste, mes interlocuteurs ont continué de parler, et leurs souvenirs, pour être effectivement moins spectaculaires que ne l’étaient les exploits (supposés ou réels) de leurs prédécesseurs, n’en témoignent pas moins de pratiques bien vivantes et de leur attachement indulgent à celles-ci.

Figure 1

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La salle de garde des internes à l’hôpital Bichat (1937-1938). Bibliothèque Charcot.

© AP-HP/Photothèque/Musée.

3Or, on constate le paradoxe suivant : ce lieu inoubliable, réservé à l’élite de la médecine française, s’avère être à l’opposé de locaux que l’on s’attendrait à voir dévolus à cette population et qui plus est autant vantés par celle-ci. En effet, de Paris à Marseille en passant par Nantes et Montpellier, dans la majorité des salles de garde que j’ai pu visiter dans les années 2000, l’impression de laisser-aller voire de délabrement domine : bâtiments et mobilier vétustes, murs abondamment souillés… Pour peu que l’on soit en début d’après-midi, la salle est déserte et le désordre complet : tables jonchées de plats à moitié remplis d’aliments figés, verres renversés, cigarettes écrasées dans des assiettes encore pleines, voire, si l’on tombe sur un jour faste, yaourts maculant les murs et le sol…

  • 5 – NARDIN, Anne. « Le bicentenaire face à l’histoire ». Dans Ordre et désordre à l’hôpital – L’inter (…)
  • 6 – Ordre et désordre à l’hôpital – L’internat en médecine (1802-2002). Paris : Musée de l’Assistance (…)
  • 7 – VERGEZ-CHAIGNON, Béatrice. Les internes des hôpitaux de Paris 1802-1952. Paris : Hachette Littéra (…)

4Bref, le visiteur a de quoi se demander ce qui peut bien motiver les internes à défendre avec autant de conviction et de persévérance ces locaux repoussants, sales voire insalubres… Que l’on ne croie pas le phénomène nouveau. Dès 1850, on retrouve, dans les rapports de directeurs d’hôpitaux, des plaintes d’internes concernant leurs conditions de logement, jugé « inhabitable » et « insalubre »5. En 1877, les internes de l’Hôtel Dieu iront jusqu’à faire paraître dans la presse une lettre ouverte où ils se plaignent des locaux « insuffisants et insalubres » qui leur sont dévolus dans leur nouvel hôpital6. En 1902, une inspection des salles de garde est effectuée par des membres du conseil de surveillance de l’Assistance Publique, hormis La Salpetrière jugée assez confortable, les qualificatifs attribués aux autres internats sont unanimes  : « installation très défectueuse », « aménagements rudimentaires », « vétusté », « toilettes infectes »7… Voici enfin comment un interne de chirurgie décrivait la salle de garde de Bicêtre, en 1887, dans une chanson passée à la postérité :

Dans un couloir obscur au profane interdit,

Où l’on doit allumer le gaz en plein midi,

S’ouvre une porte basse, étroite et chancelante,

Qui sur ses gonds rouillés, oscille et se lamente.

Derrière elle on découvre un affreux cabanon,

Un cachot ténébreux, un galetas sans nom,

Un in-pace lugubre, un cul de basse fosse,

Une oubliette sombre, épouvantable, atroce.

Deux soupiraux étroits, par où filtre un peu d’air,

Mettent un jour douteux au fond de cet enfer,

Et lorsqu’on veut entrer dans ce réduit sauvage,

Dans ce trou noir, pareil aux cachots d’un autre âge,

On fléchit les genoux et l’on courbe le front,

De peur en se dressant de heurter le plafond !

  • 8 – Cité dans FOSSSARD, Jacques. Histoire polymorphe de l’internat en médecine et chirurgie des hôpit (…)

(L’épopée de Bicêtre)8

5Or il n’empêche qu’à côté de cette exagération poétique, nombreux sont les qualificatifs d’internes contemporains qui vont dans le même sens : « sinistre », « crade », « immonde », « vilain », « triste à crever », « sordide »… Finalement, il semble que quel que soit l’état général de l’hôpital, sa salle de garde ne doive jamais répondre aux standards de confort, de salubrité ou d’hygiène de l’époque.

6Pourtant, d’après un membre du personnel de l’internat de Nîmes, les internes n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, « Avant y’avait des nappes. Maintenant y’en a plus parce qu’ils les ont déchirées. Voilà ! Donc on a plus de nappes. Toute la vaisselle allait par terre, donc on a plus de vaisselle. S’ils salissent, ils mangent dans le sale ! ». Si effectivement le plus souvent les assiettes sont posées directement sur le Formica des tables, il est des internats où ce sont les draps de l’hôpital qui tiennent lieu de nappes, et même de serviettes, puisque la coutume veut que l’on s’essuie directement avec le pan de nappe retombant devant soi. Or, si n’importe qui répugnerait sans doute un peu à manger sur des draps souillés par des malades, dans lesquels ces derniers ont souffert, voire agonisé, les internes, eux, n’en font pas cas. Subvertissant la fonction habituelle de cet attribut des patients hospitaliers, nos bruyants convives y superposent leurs taches de sauce et de vin rouge à celles de sang ou de désinfectant laissées par les premiers. Sur les marques de la souffrance et de la mort, ils apposent avec désinvolture celles de la jeunesse et de la vie, affirmant ainsi leur différence, leur pouvoir singulier et leur mépris des usages ordinaires (fig. n° 2).

Figure 2

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La salle de garde de l’hôpital Cochin en 1999.

© Site leplaisirdesdieux.com.

7Au total, vétusté, saleté et désordre, tous trois bannis de l’hôpital dans lequel ils sèmeraient maladie et mort, finissent par apparaître comme caractéristiques des salles de garde, bafouant ainsi implicitement la règle draconienne qui régit globalement l’espace aseptisé et ordonné qui abrite les internes et que pourtant ils appliquent et font appliquer dès qu’ils sortent de l’internat.

8Or, du réfectoire tel que nous venons de le décrire à une salle de garde digne de ce nom, il n’y a qu’un pas, que par exemple l’auteur de l’Épopée de Bicêtre n’hésite pas à franchir dans la même chanson fleuve. Voici en effet la fin du couplet cité plus haut :

Et cependant, malgré cette horreur sans pareille,

Cet aspect repoussant, quand on prête l’oreille,

On entend bien souvent de francs rires joyeux

Sortir de ce caveau qui semble aimé des dieux ;

Et jamais en ce lieu l’ennui ne se hasarde,

Car ce taudis sans nom, c’est la salle de garde !

9Jean-Louis Faure, l’interne auteur de cette œuvre, n’est absolument pas le seul de son espèce. Nombre de mes interlocuteurs ont, dans un premier temps, critiqué l’état des locaux, pour ensuite en vanter longuement l’ambiance. Comme si un préambule sur l’indignité et la pauvreté des lieux renforçait, par contraste, les appréciations positives dont se nourrit la nostalgie des médecins (fig. n°3). On peut aussi tenir ce dernier paradoxe pour constitutif de ce qu’est une salle de garde, en l’occurrence une communauté singulière, « un monde à part » se plaçant délibérément en dehors des normes et des valeurs ayant cours dans le reste de l’hôpital et plus largement de notre société. Et qui, comme nombre de communautés, va s’organiser et se doter à son tour de règles et d’usages qui lui sont propres.

Figure 3

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La salle de garde des internes à l’hôpital de la Charité, gravure sur bois d’après un dessin de Gustave Doré (1860), musée de l’AP-HP.

© AP-HP/Photothèque/Musée.

Les usages : savoir se tenir autour de la table

  • 9 – L’économe est l’interne élu, ou du moins désigné par ses pairs, qui préside une salle de garde do (…)

10Ainsi, tous les midis, les salles de garde soumettent leurs membres à un ensemble très complexe de règles négatives et positives, dont l’application est soumise à un contrôle incessant, orchestré par l’économe9 qui les gouverne aidé des anciens. Elles sont normalement connues de tous les internes mais censées être ignorées de ceux qui ne le sont pas, ou du moins pas encore. Elles sont appliquées plutôt scrupuleusement à Paris, mais en revanche souvent bafouées en province, où elles sont rapportées comme des singularités parisiennes incongrues ailleurs, quand elles n’y sont pas totalement inconnues. Les témoignages d’étudiants parisiens reçus en province concordent tous  : « Les coutumes parisiennes étaient beaucoup plus rituelles et rigoureuses » (Delphine N., promotion 1990, Marseille). C’est donc à une lecture anthropologique des principaux points du règlement des salles de garde de la capitale que nous allons maintenant nous livrer.

11Précisons avant de commencer que le savoir à acquérir autour de ces règles est plutôt de l’ordre d’un savoir-faire (on apprend en imitant) voire d’un savoir être, que d’un savoir livresque, apanage de l’enseignement universitaire. De fait, même s’il existe des règles écrites, elles ne sont pas opposables. Seule la parole ou les actes de l’économe, et, à défaut, des anciens en tant que représentants de la tradition, font loi : « c’est une transmission orale ». Même si périodiquement, un économe plus particulièrement dynamique ou désireux de laisser sa marque décide de réécrire ces règles, comme celui de Lariboisière qui a été jusqu’à les faire calligraphier sur les murs (fig. n°4 et 5), les écrits sont habituellement à visée externe ou posthume, et en tout état de cause plus de l’ordre du témoignage que de celui de l’outil utilisé dans la transmission effective du savoir. C’est donc par imitation que l’on apprend, ou par explicitation de la règle par les aînés, au coup par coup.

Figure 4

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Fresque de la salle de garde de l’hôpital Lariboisière en 1995.

© Site leplaisirdesdieux.com.

Figure 5

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Fresque de la salle de garde de l’hôpital Lariboisière en 2004.

© Site leplaisirdesdieux.com.

« D’une tape amicale tes collègues salueras10 »

  • 10 – Les intertitres sont issus du règlement des salles de garde tel qu’on peut notamment le consulter (…)
  • 11 – QUENU, Jean. Notre internat. Paris : Doin Éditeurs, 1971, p. 274.
  • 12 – BAKHTINE, Mikael. L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Re (…)

12Voici comment, il y a bientôt quatre-vingts ans, un ancien interne explicitait cet usage : « Avant de prendre place sur les chaises restées vacantes, nous faisons le tour de la table en posant la main droite, en guise de salut, sur l’épaule droite de chaque convive, collègue ou non, connu ou inconnu »11. Cette pratique remplace donc les salutations verbales et les poignées de main habituelles en d’autres circonstances. Elle s’éclairera en étant rapprochée d’une coutume médiévale consistant à pouvoir, pendant un banquet nuptial, donner des bourrades « pour de rire » à son voisin, quel que soit le statut social de celui-ci. Bakhtine, dans son analyse du carnaval de la Renaissance à travers les écrits de Rabelais, interprète ce phénomène en termes d’abolition des hiérarchies et de suspension des usages de politesse habituellement en vigueur, et conclut ainsi  : « Pendant la brève durée du repas nuptial, les convives semblent pénétrer dans le royaume utopique de l’égalité et de la liberté absolue »12. Autant de prétentions qui valent pour la salle de garde, que ses défenseurs revendiquent, et qui vont de pair avec la liminarité de la période de l’internat.

« Toujours près du dernier assis ton cul tu poseras, ainsi jamais place vide tu laisseras »

  • 13 VERGEZ, Béatrice. Internes et anciens internes des hôpitaux de Paris de 1918 à 1945. Thèse d’histoi (…)

13Cette seconde règle, qui présuppose implicitement qu’un interne équivaut à un autre, contribue à son tour à fédérer et entretenir la confraternité, en ce qu’elle limite les regroupements prévisibles par affinités professionnelles (les chirurgiens avec les chirurgiens, les pédiatres avec les pédiatres, etc.) ou amicales  : « … et on n’a pas droit d’aller se mettre là où on veut, ce qui permet de mélanger les gens » (Nathalie F., promotion 1987, Toulouse). En ce lieu, les affinités réelles doivent donc être suspendues au profit de la règle égalitaire. Malgré tout, les transgressions délibérées peuvent encore être un moyen d’affirmer l’appartenance communautaire. Ainsi l’anecdote dont a été victime Luc J., externe invité par son interne à l’internat lors d’un repas : « … personne ne s’est mis à côté de moi, et il y a eu une place libre à côté de moi (…) la table était bourrée, et personne à côté de moi ». Un externe comme l’était alors notre interlocuteur, et qui plus est imposé par celui qui l’invite, n’est pas un authentique collègue, ne pas s’asseoir à côté de lui ne menace donc en rien l’esprit confraternel, bien au contraire. Dans ce contexte, un tel geste équivaut à rappeler que la salle de garde est le domaine exclusif des internes. Ailleurs, dans des moments d’affrontements idéologiques intenses, cette même transgression a pu constituer un langage politique  : « En 1941, je sais que mon ami Wolfromm (…) et moi étions pratiquement expulsés de la salle de garde parce que nous n’étions pas pétainistes. En salle de garde, au déjeuner – nous étions à Bichat à ce moment-là- nous n’avions jamais quelqu’un à notre droite ou à notre gauche. Nous étions tous les deux et il y avait deux places de libre autour de nous » (Gabriel Richet, promotion 1939, cité par Vergez13). On notera l’équivalence implicite entre l’expulsion et la place mitoyenne délibérément non occupée, ce qui dénote indirectement l’efficacité symbolique de l’usage établissant la confraternité, tout en témoignant de l’intériorisation de la règle par les protagonistes qui établissent clairement le lien entre ces deux pratiques.

« Toujours la quinconce tu respecteras »

14Complément de la règle précédente, et tout autant spécifiquement parisienne, la quinconce est une manière imposée et géométrique de faire passer le plat aux autres convives, l’économe devant toujours être servi en premier.

15Cette contrainte, au-delà de sa bizarrerie qui encore une fois singularise le groupe des internes par leur non-observance des usages ordinaires (ici les formes élémentaires de la politesse), vient ainsi compléter la série de règles positives qui visent à suspendre les liens d’affinité entre internes pour mieux affirmer l’égalité et l’équivalence de tous les membres de l’assemblée et la constituer en communauté.

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16Or, cet ensemble est complété par d’autres articles du règlement qui prennent plutôt en charge la définition de ce que doivent être – ou plus exactement ne plus être – les membres du groupe ainsi fédéré.

« Toujours soigneusement tes instruments tu cacheras »

  • 14 – CANOU, Géraldine. Faire le docteur – la construction symbolique du médecin de campagne en Quercy (…)

17Cette première interdiction concerne avant tout l’instrument emblématique de la profession médicale, le stéthoscope. Tout examen clinique, en dehors de cas particuliers, comporte une auscultation par son intermédiaire, pour sommaire et efficace qu’elle soit. II est l’instrument que le praticien n’oublie jamais de glisser dans sa sacoche pour partir en visite et, souvent, le premier acheté par les jeunes étudiants (à moins qu’ils ne se le soient vu offrir par leur famille), qu’il va sans conteste aider à construire leur image et leur attitude de médecin vis-à-vis des patients tout autant qu’à leurs propres yeux. Notons également qu’il occupe une place centrale dans les cartes postales humoristiques qui mettent en scène des enfants médecins14 et dans les panoplies enfantines de « docteur ».

18Ainsi, après les premières auscultations, le stéthoscope flambant neuf va souvent rester négligemment « oublié » autour du cou des néophytes. À supposer qu’il soit susceptible d’impressionner les malades et leurs familles, ce geste censément désinvolte ne dupe aucun médecin, en dehors peut-être des intéressés eux-mêmes… Le stéthoscope apparaît néanmoins comme un objet symboliquement efficace pour signifier le médecin. Son interdiction en salle de garde, qui s’étend d’ailleurs à tout instrument spécifiquement médical, n’en prend que plus de sens  : ce qui y est proscrit, ce sont les signes qui font le médecin pour ceux qui ne le sont pas, ou du moins pas encore complètement.

« Jamais de ta bouche un terme médical ne sortira et seul le cuisinier de ta vulgarité jugera »

  • 15 – BAYLON, Christian, MIGNOT, Xavier. La communication. Paris : Nathan Universités, 1994 ; GOOD, Bay (…)

19Encore d’actualité dans la capitale, cette interdiction paradoxale est diversement appliquée en province, où chacun, à défaut de la respecter, en connaît néanmoins l’existence. Pourquoi proscrire les termes médicaux dans un lieu justement réservé à des médecins ? Avant de tenter de répondre à cette question, précisons que cette interdiction n’est pas absolue. Elle ne vaut que jusqu’au moment où le café est servi (après lequel d’ailleurs la plupart des règles en vigueur pendant le repas s’abolissent), et elle ne concerne que les mots incompris du personnel de l’internat, dont le glossaire médical sert de référence. Ainsi, si par exemple l’on ne peut prononcer impunément le terme de céphalées, celui de mal de tête ne posera aucun problème  ; à pneumopathie on préférera infection du poumon, ou mieux encore, avoir le poumon pris, etc. Plus l’expression est simple, imagée, « populaire », bref clairement non connotée professionnellement, mieux elle passera. En cas de litige, les cuisiniers ou les personnels de service sont seuls aptes à trancher  : qu’ils ne connaissent pas la signification du mot incriminé et le fautif sera sanctionné. Si leur culture médicale peut parfois étonner par son étendue, il n’est à l’inverse pas rare qu’ils soient d’une mauvaise foi évidente. De même, l’interdiction peut parfois être appliquée avec un zèle exagérément tatillon, ainsi, « si par exemple t’entendais une femme mariée qui parlait de la diarrhée de son petit, bon, ça n’avait rien de médical, de parler de leur gamin. Mais le mot diarrhée était suspect, donc on la dénonçait. » (Delphine N., promotion 1990, Marseille). Malgré tout, c’est en tant que vocabulaire professionnel que la langue médicale fait l’objet d’un tabou. C’est d’ailleurs la règle à laquelle les externes invités par leur interne lors d’une garde sont d’emblée confrontés et très directement, à travers l’épreuve du téléphone. L’un des rôles traditionnellement imparti aux jeunes étudiants est en effet de décrocher le combiné mural du réfectoire dès la première sonnerie et de transmettre la communication à l’interne concerné. La majorité des appels émane de personnels des services hospitaliers où travaillent les internes et qui transmettent des résultats d’examens urgents, informent de l’évolution de patients sous surveillance, demandent à leur propos des conduites à tenir, etc. Au début, les externes, zélés, fiers de faire valoir leur science médicale fraîchement acquise, auront tendance à surenchérir sur ce terrain. Or, plus ils en feront, plus ils s’attireront d’ennuis et de sanctions de la part de leurs aînés, souvent les mêmes qui dans leur travail quotidien leur reprochent justement leurs lacunes et leur manque de rigueur… L’efficacité symbolique « ordinaire » qui voudrait que l’utilisation d’un jargon très technique, hermétique voire ésotérique, pose son utilisateur en initié par opposition au tout-venant qui n’y comprend rien est ici inversée  : c’est au contraire du côté des profanes que nos externes sont renvoyés par ce comportement. À leurs dépens, ces jeunes étudiants, internes potentiels, ont à apprendre qu’en salle de garde, les usages caractéristiques de leur profession, du moins tels qu’ils se donnent à voir dans son exercice habituel, doivent être suspendus. L’abandon du langage médical au profit de l’utilisation ostentatoire et parfois caricaturale de termes populaires –infRActus pour infARctus par exemple- est l’une des manifestations de ce processus. Et il n’est sans doute pas indifférent que ce nouvel argot (en ce sens qu’il est porteur de discrimination et contribue à la cohésion du groupe) ait à remplacer ce néo-langage médical dont l’apprentissage est central dans les études médicales15. Mais, à ces prescriptions négatives, s’en ajoute une autre, positive, qui à première vue, contredit les précédentes.

« En salle de garde, toujours en blouse tu viendras »

  • 16 – La blouse, si elle permet indiscutablement de distinguer les patients des soignants, peut dans le (…)

20Considérant les tabous portant sur la langue et les instruments médicaux, on aurait pu s’attendre à ce que la blouse blanche, autre signe distinctif du soignant16, y soit elle aussi proscrite. Or, c’est le plus souvent l’inverse que l’on observe. Le port obligatoire de la blouse est de fait respecté dans la plupart des internats. À l’inverse, dans les restaurants destinés au personnel hospitalier tout autant que dans les cafétérias ouvertes aux hospitalisés et à leurs familles, les blouses sont systématiquement proscrites pour des raisons d’hygiène qui semblent indiscutables. Toutes les catégories de personnel reconnaissent le bien-fondé de cette interdiction, seuls les internes refusent de s’y plier. Comment comprendre cette singulière résistance et cette règle qui inverse, là encore, les usages hospitaliers ?

  • 17 – TURNER, Victor. Le phénomène rituel – Structure et contre-structure. Paris : Presses Universitair (…)
  • 18 – HAHN, Robert.Sickness and healing. An anthropological perspective. New Haven et Londres : Yale U (…)
  • 19 – QUENU, Jean. Notre internat. Paris : Doin Éditeurs, 1971, p. 294.

21Certes, le port d’une blouse participe du principe d’uniformisation, d’abolition des différences sociales qui est caractéristique de la communitas telle que définie par Turner17, et n’est donc pas propre aux médecins ni aux salles de garde. D’autre part, des chercheurs américains ont analysé la blouse blanche comme une sorte de « déguisement » aidant les étudiants à se convaincre de leur compétence18. Sans renier ces deux hypothèses, écoutons le témoignage d’un interne invitant à déjeuner en salle de garde un ami libraire: « Je lui fais laisser son veston dans ma chambre et passer une blouse. Heureuse précaution »19. De fait, puisque ce jour-là, l’un des internes arrosera toute la tablée à l’aide d’une lance à incendie, non sans avoir préalablement « envoyé au plafond (…) les camemberts trop faits » (ibidem). Dans le même paragraphe, l’auteur précise également que « la cuisinière a renoncé à [leur] servir des petits suisses parce qu’ils [leur] servent de projectiles, d’un bout à l’autre de la grande table » (ibidem).

22Plus de quatre-vingts ans après ce témoignage, les salles de garde étaient encore le théâtre de projections de nourriture, parfois quotidiennement. On peut dès lors établir un lien, entre vêtement et « manières de table ». La disparition de la blouse entraîne d’ailleurs normalement avec elle celle de ces usages. Ainsi Nadia J. (promotion 1986) nous apprend-elle qu’à l’internat central de Bordeaux, « la seule règle c’était pas de blouse. Interdiction formelle de la blouse », en ajoutant plus loin  : « j’y mangeais tous les jours et en sept ans, je les ai [les projections] vues quatre ou cinq fois, donc exceptionnellement ». Le port imposé de la blouse lors des repas en salle de garde apparaît donc lié aux projections d’aliments, renvoyant ce vêtement du côté de sa fonction de protection contre les taches (ici alimentaires), ce qui s’oppose clairement aux rôles qui lui sont classiquement dévolus à l’hôpital, barrière contre les microbes et les souillures, signe distinctif entre malades et soignants tout autant que témoin de l’appartenance à la communauté de ces derniers.

23Au terme de l’analyse de cette deuxième série de règles, on peut affirmer qu’en salle de garde les internes ont à apprendre à être médecins autrement, en se démarquant du savoir universitaire et de l’image habituelle du praticien hospitalier, comme en témoignent les traitements qu’ils font subir aux principaux attributs de leur profession : disparition pour les instruments emblématiques, inversion pour le langage et subversion pour l’uniforme. Ainsi, tous les signes distinctifs de leur métier sont exclus en tant que tels par cet ensemble de prescriptions.

24Un dernier groupe de règles va quant à lui permettre d’organiser la mise en place d’une régression méthodique de ces jeunes professionnels à d’étonnantes conduites de désordre, pouvant par contrecoup expliciter certaines des règles que nous venons d’étudier.

Battues, projections et tonus

« Performance, fait heureux, répartie insidieuse, arrivée d’un collègue apprécié tu salueras. Alors ton couteau sur l’assiette frotteras. »

  • 20 – En l’occurrence sa faute était de porter, sous sa blouse, une cravate, élément vestimentaire pros (…)

25Manifestations, battues, batteries, aubades ou acclamations, autant de termes qui, selon le lexique du lieu et du moment, désignent un bruyant usage qui veut que l’on se serve de ses couverts pour y manifester son approbation ou son mécontentement, que ce soit à propos de dires ou de comportements d’internes ou à propos d’événements concernant le repas lui-même et ceux qui l’ont préparé. Pour attirer l’attention des autres convives – et éventuellement du sujet concerné- celui qui a constaté le phénomène à souligner ou à dénoncer, frappe de manière répétée sur la table ou sur le bord de son assiette avec ses couverts, à moins qu’il ne frotte les dents de son couteau scie sur le rebord de son verre. Paul B. (promotion 1991, Nîmes) nous décrit l’une de ces séquences à Nîmes  : « il est rentré [l’interne fautif20] et avec les couteaux, tout le monde a tapé sur les assiettes pour signifier qu’il y a quelque chose qui se passe. Moi, je l’avais pas vu, mais quand il y en a trois qui tapent avec les couteaux en montrant quelqu’un… », chacun se fait alors un devoir de se joindre à son tour au concert, quitte à n’apprendre qu’ultérieurement les raisons ayant effectivement déclenché le vacarme. Pour qui n’est pas prévenu – ce qui était mon cas ce jour-là –, le vacarme assourdissant qui s’installe alors rapidement a de quoi surprendre. Il n’est toutefois pas sans évoquer ces chahuts juvéniles survenant périodiquement dans les cantines, par exemple quand la nourriture ou le comportement d’un surveillant déplaisent aux meneurs.

  • 21 – LE GOFF, Jacques et SCHMITT, Jean-Claude (dir.). Le Charivari. Paris : École des Hautes Études en (…)
  • 22 – LÉVI-STRAUSS, Claude. Mythologiques. Tome 1 : Le cru et le cuit.Paris : Plon, 1964, p. 291-305.
  • 23 – MARCEL-DUBOIS, Claudie (dir. LE GOFF, Jacques et SCHMITT, Jean-Claude). « La paramusique dans le (…)

26Pour autant, un autre parallèle s’impose avec les charivaris21, bruyantes conduites exercées depuis le Moyen Âge par le groupe de la « Jeunesse » à l’encontre des contrevenants aux règles de l’alliance matrimoniale, puis plus largement destinées à rendre publics des manquements aux règles régissant la société. Ainsi certains, suivant Levi-Strauss22 à propos des éclipses, ont affirmé « la paramusique, au contraire [de la musique], symbolise une faille dans l’observance des règles »23. N’est-ce pas là justement ce que les manifestations de nos internes sanctionnent ?

« Pour marquer ta joie jamais tu n’applaudiras. Tandis que l’économe une battue proposera »

27À côté des vacarmes désordonnés, le langage de l’internat comporte également les battues, rythmes marqués avec les couverts sur les assiettes ou les verres, qui apparaissent plus élaborées que les manifestations, même s’il s’en faudrait de beaucoup pour arriver à les trouver réellement mélodieuses. Il est classiquement admis que la battue remplace les applaudissements, interdits en ce lieu. Mais pour élaborées qu’elles soient, les battues, tout comme les manifestations, en reviennent à une substitution de code sonore, pour ne pas dire de bruit, au langage articulé, contribuant ainsi à l’opération de régression bruyante et méthodique à laquelle les futurs thérapeutes se soumettent et qui ne s’arrête pas là. En effet, « De temps en temps, ça se déchaînait, y’avait des bagarres de pots de crème… » (Pierre G., promotion 1946, Paris).

28Près de quatre-vingts ans après le témoignage de Jean Quénu cité au paragraphe précédent, les salles de garde sont encore le théâtre de projections de nourriture, parfois quotidiennes et que l’usage euphémise en projections.

  • 24 – La fréquence des projections dépend aussi des groupes d’internes. Ainsi ce membre du personnel de (…)
  • 25 – GODEAU, Emmanuelle. « Dans un amphithéâtre… » – La fréquentation des morts dans la formation des(…)

29L’importance de la bataille alimentaire, de quelques miettes de pain au repas dans son entier, vin rouge compris, sera fonction de l’humeur des protagonistes24 et du motif de son déclenchement. Tantôt règlement de compte entre factions rivales – « C’était vraiment les clans. Y’avait des bagarres entre les gynécos et les chirurgiens (…) c’était des batailles de mousse au chocolat comme j’ai jamais vu ! » (Delphine N.)-, tantôt joyeuse orgie participant plutôt de la dépense carnavalesque – « On essaye un petit peu de chauffer la salle. On envoie une mie de pain à celui qui est en face et on voit s’il répond. Le plus souvent ça répond vite… » (Paul B.). Mais quelles que soient les raisons invoquées, on remarquera combien ces comportements participent d’un usage transgressif de la nourriture en la transformant en déchets. Ne peut-on ici envisager que les internes rejouent, en la démétaphorisant, la transgression inaugurale de leur cursus coutumier, la « bataille de bidoche », survenue autour des macchabées disséqués lors des travaux pratiques d’anatomie25 ?

30Les plus acharnés à projeter arrivent à l’internat non seulement en blouse mais qui plus est en tenues de bloc opératoire (couramment appelés les pyjamas) qui ne redoutent pas plus le yaourt, le jus de viande ou le vin que les produits désinfectants ou le sang des opérés, et qui seront dans tous les cas lavées et stérilisées par la blanchisserie centrale de l’hôpital. « C’était aussi pour ça que les médecins n’y allaient pas beaucoup [en salle de garde] parce que les chirurgiens, ils sont toujours en tenue [de bloc opératoire], et les autres en civil. Ils en avaient peut-être marre de se retrouver avec du chocolat sur le pantalon ! » (Delphine N., promotion 1990, Marseille). Les directeurs de centres hospitaliers ne s’y trompent pas, qui, lassés des plaintes des personnels des internats et des dépenses liées au nettoyage et à la réfection de ces locaux, conséquences de projections répétées, s’efforcent d’obtenir des présidents d’internat qu’ils imposent l’usage commun en interdisant le port de la blouse pendant les repas.

  • 26 – Témoignage filmé et présenté dans l’exposition du musée de l’Assistance Publique et des Hôpitaux(…)
  • 27 – On notera qu’habituellement pour les autres soignants de l’hôpital, la blouse est au contraire un (…)

31Leur espoir est qu’en « civil » les internes devraient y réfléchir à deux fois avant de se bombarder à coups de cuillerées de purée ou de mousse au chocolat. Aussi, pouvons-nous préciser le sens du port de la blouse en salle de garde. Loin de conférer aux futurs médecins l’aura de thérapeutes scientifiques efficaces et puissants, autour de la table de l’internat, leurs blouses maculées les font plutôt ressembler à des enfants turbulents dont on aurait protégé les pyjamas par des tabliers, du fait de leur comportement agité lors des repas et surtout de leurs jeux avec la nourriture. Le jugement d’un membre du personnel de l’internat de Nîmes à propos des chahuts et des projections est sans équivoque  : « Dans les écoles ça se voit aussi. Dans les cantines (…) c’est des enfants, des grands enfants… ». Le témoignage de Chadia Choukrane26, cuisinière à Broussais entre 1980 et 2000, va dans le même sens : « …c’est comme un petit bébé ! S’ils font des cochonneries, des fois je les punis, ils sont privés de dessert ! ». Ainsi, la blouse n’est plus un uniforme professionnel aseptisé et respecté27, distinguant de prestigieux « hommes en blanc », mais la tenue nécessaire à une régression collective à des conduites de désordre infantile. Désordre à son tour inscrit dans les lieux mêmes de son exercice, comme en témoigne l’état des murs et des fresques murales, leur « patine » si caractéristique, qu’un œil exercé saura attribuer aux restes de projections alimentaires vieillies et plus ou moins bien nettoyées.

32On notera enfin la part importante occupée par la violence et l’agressivité dans ces pratiques : les projections de nourriture n’atteignent les murs que par accident, ce sont les autres internes que l’on vise. Battues et manifestations participent à leur tour de cette dynamique, d’autant qu’elles s’accompagnent souvent de huées et de sifflements.

  • 28 – Selon FOSSSARD, Jacques. Histoire polymorphe de l’internat en médecine et chirurgie des hôpitaux (…)
  • 29 – La Républicaine doit son nom au fait qu’elle se bat sur l’air de Ah, ça ira.
  • 30 – La Royale se bat couteaux tendus selon le rythme suivant : « II II II II II II / II II II II II I (…)

33Pourtant, malgré le caractère apparemment débridé de ces conduites, leur dimension rituelle se révèle à travers leur caractère extrêmement codifié ainsi que le strict contrôle dans leur mise en œuvre et dans le temps. Pour en revenir aux battues, chacune d’entre elles correspond en fait à un type d’événement donné. Ainsi, périphériques28républicaines29 et royales30célèbrent des faits particulièrement appréciés. Alors qu’à l’inverse, une merdique se battra à l’occasion d’un événement déplorable, par la chute du couteau sur la table ou dans l’assiette. Chacun de ces rythmes peut être redoublé pour lui apporter une emphase supplémentaire. Le nom en sera alors précédé du préfixe « double ». On voit par là que ces usages qui semblaient ressortir du désordre, du dérèglement sans frein, répondent en fait à une codification très précise. Même les projections obéissent à des règles : interdiction de projeter des objets lourds susceptibles de blesser leur cible, interdiction de se lever ou de se cacher sous la table pour se mettre à l’abri.

  • 31 – TURNER, Victor. Le phénomène rituel – Structure et contre-structure. Paris : Presses Universitair (…)

34La ritualisation apparaît également dans les limites temporelles imposées à ces manières  : l’arrivée du café sur la table où mange l’économe signe la levée de tous les interdits et de toutes les prescriptions en vigueur pendant le reste du repas. Désormais, chacun redevient libre d’aborder sérieusement avec ses collègues les sujets médicaux qui le préoccupent ou d’essayer de persuader tel ou tel d’accepter l’un de ses malades dans son service. Les fumeurs peuvent allumer une cigarette, les sportifs aller disputer leur partie de billard, de baby-foot ou de ping-pong, à moins qu’il ne s’agisse de jouer au bridge ou au tarot, ou de simplement retrouver ses amis pour se détendre et plaisanter avant de retourner au travail. En somme, après le café, l’interne abandonne ses manières de garçon sauvage, retrouve les hiérarchies et les rouages hospitaliers usuels et redevient un être « civilisé », un jeune médecin tel que l’on s’attend à le voir dans les couloirs de l’hôpital et au chevet des malades. On peut aussi lire ces formes codifiées de régression, comme une « mise à niveau » des jeunes recrues, qui, comme pour tous les novices d’une communauté donnée, passe par la négation des usages et des valeurs dominants dans la société à laquelle ils appartiennent31. Hypothèse qui fait d’autant plus sens pour ce qui est de nos internes si l’on considère qu’ils s’opposent non pas tant à notre société en général, mais plus particulièrement à l’ordre de l’hôpital. Pourquoi, dès lors, mettre en place de telles formes codifiées de régression, en d’autres termes de « déculturation » ? C’est l’étude d’une dernière règle qui va nous permettre de mieux appréhender la place de cette étrange logique régressive dans le processus de formation des médecins.

« Une fois au début du semestre et une fois à la fin du semestre, l’économe un tonus (ou un enterrement) organisera »

  • 32 – Pour une analyse détaillée des tonus et des enterrements se reporter à GODEAU, Emmanuelle. L’« es (…)
  • 33 – On notera d’ailleurs qu’aucune de mes plus anciennes sources évoquant la vie de salle de garde n’ (…)

35Ce n’est pas l’analyse – désormais classique – de la nécessité affirmée d’une fête pour marquer l’entrée – ou la sortie – d’une période donnée qui va nous retenir ici, pas plus que celle du déroulement de ces soirées32, mais simplement celle de l’usage du terme de tonus pour désigner ces dernières. À mon grand étonnement, il n’est pas jusqu’au Petit Larousse (1979) qui ne connaisse la définition d’un tonus dans l’acception qui nous occupe ici  : « réunion joyeuse et en général bruyante d’internes des hôpitaux ». L’étymologie de cet usage particulier (donné pour familier et vieux) y est rapprochée de celle de tonus musculaire, en l’occurrence du Grec tonos : tension. Dans tous les cas, tonus est un mot d’apparition récente, puisque celle-ci est datée de 189933. Le passage du terme médical dans le lexique des salles de garde et pour un tel signifié n’est pas documenté. Je proposerais la piste étymologique suivante, fondée notamment sur l’attribution de l’adjectif « tonique » à certains usages propres aux étudiants en médecine, qui pourrait indirectement expliciter l’emploi de tonus dans l’acception qui lui est donnée dans la langue des salles de garde. Roger L. (promotion 1970, Montpellier) affirme ainsi à propos des membres de la chorale de carabins « La Paillarde » dont il faisait partie : « comme externes, on était un groupe très tonique » ou, à propos de son enterrement d’internat, « c’était le plus tonique ! ». Or, toujours selon le Petit Larousse, est tonique ce « qui fortifie ou stimule l’activité de l’organisme » et même (sens 2) ce « qui a un effet stimulant sur le moral ». La présentation habituelle de ces fêtes comme des exutoires nécessaires en compensation à la difficulté du métier d’interne pouvant dès lors justifier qu’on les trouve toniques puis par extension et par simplification qu’on les appelle des tonus. Dernier terme dont l’usage par les futurs médecins n’a pu qu’être renforcé par le sens supplémentaire pris par ce mot à partir des années cinquante « énergie, dynamisme ». Dès lors, les formes de régression violente que nous avons vu se mettre en place autour de la table de l’internat ne peuvent-elles être rattachées à la construction d’une vitalité agressive et antisociale ? L’assimilation des internes à des enfants ensauvagés ne permet-elle pas justement la libération d’un surcroît d’énergie vitale à l’état brut, naturel, qui dans de nombreuses sociétés traditionnelles caractérise les thérapeutes ?

36Au terme de cette analyse, les règles de salle de garde, loin de devoir être cantonnées au statut de reliquat folklorique amusant voire dévalorisant, comme certains voudraient qu’elles le soient, apparaissent à l’inverse comme constitutives et dotées d’une efficacité symbolique propre  : non seulement elles construisent et fédèrent la communauté des internes, mais elles contribuent à la véritable contre-éducation à laquelle ses membres sont soumis, processus de transformation de chacun des individus qui la constituent.

  • 34 – BOURDIEU, Pierre. La noblesse d’état – Grandes écoles et esprit de corps. Paris : Éditions de Min (…)
  • 35 – CUCHE, Denis. « Traditions populaires ou traditions élitistes ? Rites d’initiation et rites de di (…)
  • 36 – BLANC, Dominique. « Numéros d’hommes – Rituels d’entrée à l’école normale d’instituteurs ». Terra (…)
  • 37 – SUAUD, Charles. « L’imposition de la vocation sacerdotale ». Actes de la Recherche en Sciences So (…)
  • 38 – THIEBLEMONT, André. « Contribution à l’étude de la tradition militaire – Les traditions de contes (…)

37En salle de garde, comme d’autres néophytes en classe préparatoire34, en école d’ingénieur35, en école normale36, au séminaire37, ou dans d’autres groupes fermés38, les internes subissent le double processus de déculturation-acculturation qui fonde tout esprit de corps.

38Ainsi, à travers l’acquisition de ces manières de salle de garde, dont les règles sont à la fois la condition et le résultat, les étudiants en médecine ont à apprendre à devenir médecin autrement, complétant ainsi, dans les marges de leur formation clinique et universitaire et au sein même de l’hôpital, en retrouvant des usages coutumiers, leur personnage de thérapeute efficace.

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Notes

1 – Une première version de cet article a été publiée dans le catalogue de l’exposition du bicentenaire de l’internat des Hôpitaux de Paris. GODEAU, Emmanuelle. « Les manières de salle de garde ou l’institution de formes réglées de dérèglement. Regards anthropologiques sur le monde des internes des hôpitaux ». Dans Ordre et désordre à l’hôpital – L’internat en médecine (1802-2002). Paris : Musée de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, 2002, p. 181-191.

2 – Pour une analyse des dissections en termes d’initiation : GODEAU, Emmanuelle. « Dans un amphithéâtre… » – La fréquentation des morts dans la formation des médecins. Terrain, 2003, p. 20, 82-96 ; « Du cadavre au macchabée, l’apprentissage symbolique des étudiants en médecine ». Revue du Praticien, 2009, vol. 59, p. 876-881 ; “Dissecting cadavers: learning anatomy or a rite of passage?” Hektoen International, a journal of medical humanities, November 2009, Vol. 1, Issue 5 (http://www.hektoeninternational.org/Dissecting_cadavers.html).

3 – Pour une analyse complète du parcours coutumier de formations des futurs médecins spécialistes : GODEAU, Emmanuelle. L’« esprit de corps ». Sexe et mort dans la formation des internes en médecine. Paris : Éditions de la maison des sciences de l’homme, 2007.

4 – Les phrases citées entre guillemets sont, sauf indications contraires, des citations d’anciens internes, identifiés par un prénom et une initiale, suivis de l’année de leur promotion au concours de l’internat et de la ville où ils ont principalement effectué celui-ci.

5 – NARDIN, Anne. « Le bicentenaire face à l’histoire ». Dans Ordre et désordre à l’hôpital – L’internat en médecine (1802-2002). Paris : Musée de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, 2002, p. 51.

6 – Ordre et désordre à l’hôpital – L’internat en médecine (1802-2002). Paris : Musée de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, 2002, p. 214.

7 – VERGEZ-CHAIGNON, Béatrice. Les internes des hôpitaux de Paris 1802-1952. Paris : Hachette Littératures, 2002, p. 101.

8 – Cité dans FOSSSARD, Jacques. Histoire polymorphe de l’internat en médecine et chirurgie des hôpitaux et hospices civils de Paris. Tomes 1 et 2. Grenoble : CPBF, 1981, p. 29.

9 – L’économe est l’interne élu, ou du moins désigné par ses pairs, qui préside une salle de garde donnée pour au moins un semestre. En province, on parle de président d’internat. Pour en savoir plus pour ses fonctions coutumières, se reporter à GODEAU, Emmanuelle. L’« esprit de corps ». Sexe et mort dans la formation des internes en médecine. Paris : Éditions de la maison des sciences de l’homme, 2007, p. 137-144.

10 – Les intertitres sont issus du règlement des salles de garde tel qu’on peut notamment le consulter sur le site des internes des Hôpitaux de Paris : http://www.leplaisirdesdieux.com [date de consultation 25/01/2011].

11 – QUENU, Jean. Notre internat. Paris : Doin Éditeurs, 1971, p. 274.

12 – BAKHTINE, Mikael. L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance. Paris : Gallimard, 1970, p. 264.

13 VERGEZ, Béatrice. Internes et anciens internes des hôpitaux de Paris de 1918 à 1945. Thèse d’histoire. Paris : Institut d’Études Politiques, n° 95 IEPP 0020, 1995, p. 432.

14 – CANOU, Géraldine. Faire le docteur – la construction symbolique du médecin de campagne en Quercy et dans le Yorkshire. Thèse d’anthropologie sociale et ethnologie. Toulouse : École des Hautes Études en Sciences Sociales, n° U358, 2000.

15 – BAYLON, Christian, MIGNOT, Xavier. La communication. Paris : Nathan Universités, 1994 ; GOOD, Bayron. Medicine, rationality, and experience. An anthropopogical perspective. Cambridge : Cambridge University Press, 1994.

16 – La blouse, si elle permet indiscutablement de distinguer les patients des soignants, peut dans le même temps matérialiser la hiérarchie hospitalière : du personnel de service au chef de service en passant par l’infirmière, les coupes, les couleurs, etc. sont souvent différentes selon les statuts et les fonctions.

17 – TURNER, Victor. Le phénomène rituel – Structure et contre-structure. Paris : Presses Universitaires de France, 1990.

18 – HAHN, Robert. Sickness and healing. An anthropological perspective. New Haven et Londres : Yale University Press, 1995, p. 159.

19 – QUENU, Jean. Notre internat. Paris : Doin Éditeurs, 1971, p. 294.

20 – En l’occurrence sa faute était de porter, sous sa blouse, une cravate, élément vestimentaire proscrit en salle de garde ce semestre-là.

21 – LE GOFF, Jacques et SCHMITT, Jean-Claude (dir.). Le Charivari. Paris : École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1981.

22 – LÉVI-STRAUSS, Claude. Mythologiques. Tome 1 : Le cru et le cuit. Paris : Plon, 1964, p. 291-305.

23 – MARCEL-DUBOIS, Claudie (dir. LE GOFF, Jacques et SCHMITT, Jean-Claude). « La paramusique dans le charivari contemporain ». Dans Le Charivari. Paris : École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1981, p. 45-53.

24 – La fréquence des projections dépend aussi des groupes d’internes. Ainsi ce membre du personnel de l’internat de Nîmes ne peut que constater « Y’a des sessions c’est tous les jours, d’autres une fois tous les six mois », sans pouvoir toutefois dire ce qui à ses yeux différentie les groupes.

25 – GODEAU, Emmanuelle. « Dans un amphithéâtre… » – La fréquentation des morts dans la formation des médecins. Terrain, 2003, p. 20 : 82-96 ; « Du cadavre au macchabée, l’apprentissage symbolique des étudiants en médecine ». Revue du Praticien, 2009, vol 59, p. 876-881  ; “Dissecting cadavers: learning anatomy or a rite of passage?” Hektoen International, a journal of medical humanities, November 2009, Vol 1, Issue 5 (http://www.hektoeninternational.org/Dissecting_cadavers.html).

26 – Témoignage filmé et présenté dans l’exposition du musée de l’Assistance Publique et des Hôpitaux de Paris commémorant le bicentenaire de l’internat de Paris (15 novembre 2002 – 25 mai 2003).

27 – On notera qu’habituellement pour les autres soignants de l’hôpital, la blouse est au contraire un signe distinctif souvent très valorisé. Voici par exemple quelques propos d’infirmières à ce sujet : « la blouse blanche signe « l’intégration à un groupe de savoir-faire », elle donne « la sensation de faire corps avec cette profession » et confère « une certaine fierté » à se promener dans l’hôpital, à appartenir vraiment à ce corps hospitalier ». MERCADIER, Catherine (dir MEMBRADO, Monique et RIEU, Annie). « Le corps au cœur de l’interaction soignant-soigné ». Dans Sexes, espaces et corps – De la catégorisation du genre. Toulouse : Éditions Universitaires du Sud, 2000, p. 188.

28 – Selon FOSSSARD, Jacques. Histoire polymorphe de l’internat en médecine et chirurgie des hôpitaux et hospices civils de Paris. Tomes 1 et 2. Grenoble : CPBF, 1981, et LE PESTEUR, Jacques. Fresques de salle de garde. Paris : Ramsay, 1980, les périphériques sont ainsi nommées en référence aux hôpitaux de la banlieue parisienne qui les ont créées, dits hôpitaux périphériques, et par opposition aux hôpitaux centraux situés dans Paris intra-muros, et qui ont aussi leurs battues, dites en toute logique centrales.

29 – La Républicaine doit son nom au fait qu’elle se bat sur l’air de Ah, ça ira.

30 – La Royale se bat couteaux tendus selon le rythme suivant : « II II II II II II / II II II II II II / I I IIII II II II / I I IIII II II II » (source : site des internes des Hôpitaux de Paris http://www.leplaisirdesdieux.com (consulté le 25/01/2011).

31 – TURNER, Victor. Le phénomène rituel – Structure et contre-structure. Paris : Presses Universitaires de France, 1990, p. 83-159.

32 – Pour une analyse détaillée des tonus et des enterrements se reporter à GODEAU, Emmanuelle. L’« esprit de corps ». Sexe et mort dans la formation des internes en médecine. Paris : Éditions de la maison des sciences de l’homme, 2007.

33 – On notera d’ailleurs qu’aucune de mes plus anciennes sources évoquant la vie de salle de garde n’utilise le terme de tonus pour désigner des fêtes ou soirées d’internes, alors que certains termes du lexique toujours en vigueur comme fossile, économe, manifestations et battues existaient déjà. Dans mes sources écrites, la première utilisation de ce terme est due à PASTEUR VALLERY-RADOT. Mémoires d’un non-conformiste. Paris : Plon, 1970, reçu au concours de l’internat à Paris en 1910.

34 – BOURDIEU, Pierre. La noblesse d’état – Grandes écoles et esprit de corps. Paris : Éditions de Minuit, 1989.

35 – CUCHE, Denis. « Traditions populaires ou traditions élitistes ? Rites d’initiation et rites de distinction dans les écoles d’Arts et métiers ». Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1985, 60, p. 57-67 ; « La fabrication du « Gadz’arts » – Esprit de corps et inculcation culturelle chez les ingénieurs Arts et Métiers ». Ethnologie Française, 1988, 1, XVIII, p. 42-54 ; CORBIERE, Martine. Le bizutage dans les écoles d’ingénieur-e-s. L’asymétrie des sexes comme ressort d’une idéologie défensive. Thèse de sociologie. Toulouse : Université Toulouse 2 – Le Mirail, 2000.

36 – BLANC, Dominique. « Numéros d’hommes – Rituels d’entrée à l’école normale d’instituteurs ». Terrain, 1987, 8, p. 52-62.

37 – SUAUD, Charles. « L’imposition de la vocation sacerdotale ». Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1975, 3, p. 2-17.

38 – THIEBLEMONT, André. « Contribution à l’étude de la tradition militaire – Les traditions de contestation à Saint-Cyr ». Ethnologie Française, 1979, 1, IX, p. 7-14. ; TURNER, Victor. Le phénomène rituel – Structure et contre-structure. Paris : Presses Universitaires de France, 1990, p. 93-159 ; BELLIER, Irène. « Regards d’une ethnologue sur les énarques ». L’Homme, 1992,121, XXXII (1), p. 103-127 et L’ÉNA comme si vous y étiez. Paris : Seuil, 1993 ; DUVAL, Maurice. « Sous la protection de Neptune – Les rites d’initiation des élèves de la marine ». Terrain, 1995, 24, p. 133-144.

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende La salle de garde des internes à l’hôpital Bichat (1937-1938). Bibliothèque Charcot.
Crédits © AP-HP/Photothèque/Musée.
URL http://insitu.revues.org/docannexe/image/971/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 604k
Titre Figure 2
Légende La salle de garde de l’hôpital Cochin en 1999.
Crédits © Site leplaisirdesdieux.com.
URL http://insitu.revues.org/docannexe/image/971/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 816k
Titre Figure 3
Légende La salle de garde des internes à l’hôpital de la Charité, gravure sur bois d’après un dessin de Gustave Doré (1860), musée de l’AP-HP.
Crédits © AP-HP/Photothèque/Musée.
URL http://insitu.revues.org/docannexe/image/971/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 144k
Titre Figure 4
Légende Fresque de la salle de garde de l’hôpital Lariboisière en 1995.
Crédits © Site leplaisirdesdieux.com.
URL http://insitu.revues.org/docannexe/image/971/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 1020k
Titre Figure 5
Légende Fresque de la salle de garde de l’hôpital Lariboisière en 2004.
Crédits © Site leplaisirdesdieux.com.
URL http://insitu.revues.org/docannexe/image/971/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 128k
URL http://insitu.revues.org/docannexe/image/971/img-6.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Docteur Emmanuelle Godeau, « Les manières de salle de garde, un patrimoine menacé », In Situ [En ligne], 17 | 2011, mis en ligne le 05 décembre 2011, consulté le 29 octobre 2017. URL : http://insitu.revues.org/971 ; DOI : 10.4000/insitu.971

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Auteur

Docteur Emmanuelle Godeau

Adjointe du médecin conseiller du Recteur de l’académie de Toulouse ; anthropologue emmanuelle.godeau@ac-toulouse.fr

 

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