L’humour du Général de Gaulle

Quand nous étions externe, la question qui est le Général de Gaulle? associée à « où sommes nous » et « quel jour sommes nous »? permettait à coup sûr d’évaluer l’ampleur des troubles neurologiques de nos patients. A la même question posée à de jeunes adultes aujourd’hui, on n’obtiendrait pas d’autre réponse que: un rond point, un aéroport ou un porte avion…

Michel B, notre normand à moustache, nous invite à (re)découvrir l’humour de ce personnage de l’histoire de France au travers d’anecdotes …

  • En septembre 1959, lors d’un voyage officiel dans le Pas-de-Calais, de Gaulle, devenu président de la République, est présenté à l’abbé Baheux, très ému, qui lui dit en tremblant : « Mon… mon Général… C’est moi qui vous ai marié en 1921… » De Gaulle : « Rassurez-vous, Monsieur le Curé, je ne vous en veux pas ! »
  • Lors du même voyage, de Gaulle retrouve Jules Cousin, qui fut son compagnon de chambrée au 33e régiment d’infanterie à Arras, près d’un demi-siècle plus tôt. Jules Cousin, qui l’avait le premier surnommé « la grande asperge », est si impressionné qu’il reste muet. Peu après, de Gaulle glisse à l’oreille de son beau-frère : « Le brave Jules a pu constater que la grande asperge est devenue une grosse légume ! » (Cette rencontre a suscité par ricochet d’innombrables variantes fantaisistes, dont la plus connue fait dire à Jules Cousin : « Ce vieux de Gaulle ! Qu’est-ce que tu deviens depuis 50 ans ? »)
  • 31 mai 1961, le président Kennedy et son épouse sont reçus à l’Élysée pour un grand banquet. Au cours du repas, Jackie Kennedy demanda son hôte : « Vous, Général, qui avez connu dans votre vie tant de personnages intéressants, quel est celui qui avait le plus grand sens de l’humour ? » De Gaulle : « Staline, Madame ! » (Cela a souvent été pris comme une boutade, voire comme une insulte à l’endroit de Jackie Kennedy. Mais on ignore généralement que Staline avait un très grand sens de l’humour – même s’il s’agissait principalement d’humour noir…)
  • Le 9 septembre 1961, au lendemain de l’attentat OAS de Pont-sur-Seine qui a échoué en raison d’une défaillance de détonateur, Jacques Chaban-Delmas félicite le Général d’en être sorti sain et sauf. De Gaulle, d’un air jovial : « Oui, il paraît qu’on n’aurait rien trouvé de moi, même pas le képi. Il est vrai que j’étais en civil ! Et puis, Chaban, réfléchissez. C’était une belle sortie ! […] Ça vaut tout de même mieux que de mourir d’une attaque aux cabinets ! » (Il faut entendre : « au point de vue du prestige de la France »… et du Général – les deux étant naturellement confondus…)
  • En conseil des ministres, 13 novembre 1961. On vient d’apprendre que l’ambassade de France à Rabat a été mise à sac. Commentaire du ministre des Affaires étrangères Couve de Murville : « Bien sûr, si nous étions encore en régime de protectorat, cela ne se serait pas produit. » Conclusion du Général : « Et si les Français de Napoléon étaient restés à Moscou, il n’y aurait pas eu Staline. »
  • Entre 1958 et 1962, Gaston Palewski a été ambassadeur en Italie. Au printemps de 1962, il est rappelé à Paris et nommé ministre de la Recherche scientifique. Lors d’une réception à l’Élysée, de Gaulle passe devant le nouveau ministre, qui est assis dans un grand et profond canapé, entouré de trois jolies femmes. Le Général : « Alors, Palewski, on se croit toujours en gondole ? »
  • 10 mai 1962, dans un petit village du Jura. De Gaulle : « Alors, Monsieur le Maire, pour l’eau, ça va ? – Oui, mon Général, ce qu’on aimerait maintenant, c’est avoir le téléphone. – Ah, vous en êtes déjà là !… Je prends bonne note… Je vous téléphonerai ! »
  • Grande messe à la cathédrale de Limoges, 20 mai 1962. De Gaulle, de retour à la préfecture : « J’aime bien ces messes. C’est le seul endroit où je n’ai pas à répondre au discours qu’on m’adresse. »
  • Henri Tisot, imitateur du général de Gaulle, avait vendu entre 1961 et 1962 plus d’un million d’exemplaires de son disque parodique L’Autocirculation. Il avait récidivé en 1962 avec « La Dépigeonnisation », mais en un an, les ventes n’avaient atteint que 300 000 exemplaires. Réaction du Général : « Tiens, Tisot est en baisse. Je vais encore me retrouver tout seul… » En fait, de Gaulle était sensible à l’humour du personnage. D’où cette réflexion caustique : « Au fond, Tisot fait le même métier que moi : il répète tout le temps la même chose. Mais lui, au moins, ça lui rapporte ! » À une femme de ministre qui s’indignait bruyamment des imitations de Tisot, de Gaulle avait répondu : « Mais, Madame, il fait ça très bien, et d’ailleurs, je l’imite parfois aussi, à mes mauvais moments ! »
  • En février 1964, Maurice Dejean, ambassadeur de France à Moscou, est brusquement rappelé à Paris. C’est qu’un agent occasionnel du KGB avait choisi la liberté et révélé que l’ambassadeur Dejean faisait l’objet d’un chantage, après avoir été compromis par le KGB dans une affaire de mœurs. Une fois de retour à Paris, Maurice Dejean est laissé sans affectation, puis, en avril 1964, il est convoqué à l’Élysée. De Gaulle reste silencieux pendant une longue minute, puis, enfin : « Alors, Dejean, on baise ? » (Dans le livre de John Barron, KGB, qui révèle pour la première fois l’affaire, on trouve cette traduction laborieuse et très édulcorée : « So, Dejean, one enjoys the women ? »
  • Après l’attentat du Petit-Clamart, de Gaulle était insatisfait de l’attitude des ministres qui ne lui avaient pas écrit, car il considérait avoir été mitraillé en tant que chef de l’État, « dans sa fonction officielle ». En revanche, lorsqu’en avril 1964 il est opéré de la prostate, c’est uniquement l’homme privé qui est concerné, et il s’indigne de recevoir à l’hôpital Cochin des lettres de ses ministres : « Enfin, ce n’est tout de même pas la prostate de l’État ! » (On sait que, pour le Général, la distinction entre les deux personnages est fondamentale.)
  • Lors d’une réception à l’Élysée, un ambassadeur s’approche du Général et lui dit : « Savez-vous, Monsieur le Président, que ma femme est très gaulliste ? » Réponse du président : « Eh bien ! La mienne, Monsieur l’Ambassadeur… Ça dépend des jours ! »
  • Cérémonie du 14 juillet ; à la hauteur de la tribune présidentielle, un char AMX tombe en panne, le bel ordonnancement de la parade est rompu et un certain désordre s’installe. On entend de Gaulle murmurer en hochant la tête : « Voilà… Et ça fait deux mille ans que ça dure ! »
  • De Gaulle visite la Bibliothèque nationale, qui a exposé à cette occasion un brouillon de sa main, très raturé comme à l’ordinaire, à côté d’un manuscrit de Corneille, sans ratures ni surcharges. Réflexion du Général : « Tiens, Corneille ne se relisait pas ! »
  • À Colombey, Malraux, qui s’entretient avec le Général, s’interrompt pour lui désigner le chat : « Regardez, mon Général, ses oreilles qui bougent… Le chat nous écoute. » De Gaulle sourit : « Pensez-vous ! Je le connais… Il fait semblant. »
  • Une chasse à Rambouillet. Réflexion d’un des invités : « Ah, mon Général, la chasse ! Que d’émotions ! C’est vraiment comme à la guerre ! » De Gaulle : « Oui… À une différence près, cependant : à la guerre, le lapin tire ! »
  • Printemps 1968. La Révolution culturelle fait rage en Chine. À Pékin, un cortège de gardes rouges défile avec des banderoles « Non à la tête de chien de De Gaulle ! » Commentaire du Général : « C’est quand même un comble de se faire traiter de chien par des Pékinois ! »

8 Commentaires

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  1. Humour et sens de la répartie

  2. fort très fort ce général

  3. Sympa

  4. Délectables. J’adore celles de Corneille et du chat. Sympa à 6 mois du cinquantenaire de sa mort.

  5. En tant que pied noir j’étais un farouche anti-gaulliste mais je respecte le personnage et ce qu’il a fait pour la france

  6. Il y a un tire bouchon nommé deux gaules…….

  7. Oui il est super pratique !!

  8. Effectivement beaucoup d’humour!

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