Ma santé 2022 – Vous avez la parole. Les premières réponses des médecins généralistes au sondage initié par Agnès Buzyn concernant la modification de leur rémunération.

« Plutôt que de coter et d’être payé pour chaque acte, accepteriez-vous d’être rémunéré par un forfait annuel (avec cahier des charges et indicateurs de qualité) pour le suivi du patient diabétique ? », a demandé Agnès Buzyn… Vous pouvez encore participer à ce sondage et vous exprimer (voir en fin d’article).

Sont évoqués dans les réponses les termes : otage du comportement des patients, liberté d’action du libéral, rigidité du système, réticences par référence à l’échec de la ROSP, obligation de résultats, expérimentation avant mise en œuvre, rémunération mixte, capitation totale,….

….Pour réformer le financement de la santé et la rémunération des soignants, le rapport remis par Jean-Marc Aubert à Agnès Buzyn propose de réduire la part du paiement à l’acte pour augmenter celle des forfaits. Mais les soignants semblent encore réticents à cette évolution.

Le paiement à l’acte n’est pas adapté à la prise en charge des maladies chroniques, qui représentent 60% des dépenses d’assurance maladie alors qu’elles concernent 35% des assurés, note Jean-Marc Aubert dans le rapport qu’il a remis fin janvier à Agnès Buzyn. Et de proposer un forfait global pour la prise en charge d’une pathologie, rémunérant l’ensemble du suivi. L’objectif est « d’inciter les professionnels à se focaliser sur la prévention et sur les résultats de santé obtenus bien plus que sur le nombre d’actes ou de séjours réalisés en leur donnant plus de souplesse dans le choix des modalités de prise en charge ».  Le versement du forfait serait conditionné au respect d’un cahier des charges précisant les prestations attendues.

Très réticents à une rémunération au forfait« 

Près de 2 000 soignants ont déjà répondu, toutes professions confondues. Et les résultats intermédiaires, dix jours après le lancement de l’enquête, montrent qu’ils sont très réticents à une rémunération au forfait. Plus de 75% des répondants refuseraient un paiement au forfait à la place d’une rémunération à l’acte pour le suivi d’un patient diabétique.

Naturellement, parmi les opposants, il y a les inconditionnels du paiement à l’acte, « à revaloriser » qui « responsabilise le patient », épris de leur indépendance, qui prédisent un « flicage garanti » et une « fonctionnarisation de l’exercice libéral ». Mais pas seulement.

Trop grande rigidité du système

« Le forfait annuel ne prendrait en compte que les actes en situation de diabète stable sur l’année mais non pas les actes pour une situation d’urgence pouvant survenir à n’importe quel moment pour une décompensation. De plus être médecin en libéral fut un choix propre pour une notion de liberté d’action comme de prise de décisions », justifie par exemple un médecin généraliste. A l’image de nombreux confrères, il redoute une trop grande rigidité du système. « Certains patients diabétiques nécessitent plus de consultations que d’autres. Un forfait gommerait cette réalité, le médecin serait perdant », souligne un autre jeune généraliste. Se pose aussi la question des consultations multi-diagnostics. « Comment rémunérer la consultation du patient diabétique, cardiaque, qui a mal à son arthrose du genou et qui profite de la consultation pour me parler de ses « vertiges »…? », s’interroge un médecin.

Echaudés par l’expérience de la ROSP, nombreux sont ceux qui se méfient des forfaits : « Nous connaissons déjà la ROSP et c’est déjà amplement suffisant, nous sommes formés pour soigner des patients et non pas pour remplir de multiples critères décidés par des financeurs de soins« , commente un généraliste de plus de 55 ans. « J’ai besoin de connaitre mes revenus. Cette année le ROSP a baissé de 30%. Je ne veux pas avoir la même situation sur 50% de mes revenus parce que les indicateurs retenus sont inapplicables ou incalculables ou dépendent de l’observance des patients », s’alarme un autre médecin généraliste.

« Aucune confiance dans le cahier des charges et les indicateurs de qualité, au vu de l’expérience de la ROSP », résume un autre médecin. « Indicateurs de qualité non stables dans le temps, concernant pour certains seulement quelques dizaines de patients pour une patientèle de près de 900 patients avec pour conséquence des variations statiques pouvant ne pas refléter la réalité, doutes concernant la qualité et l’exhaustivité du recueil des données de suivi, critères dépendant de nombreux paramètres externes et échappant parfois complètement à l’action du médecin. Système pervers poussant le médecin à se focaliser de façon chronophage sur les critères de qualité au détriment du temps consacré au patient. »

« 60% de nos patients ne nous disent pas la stricte vérité »

Pour ce jeune généraliste à l’exercice coordonné, c’est la question des indicateurs de qualité qui pose problème. « Je ne me sens pas directement responsable de l’évolution d’un diabète (hygiène de vie…) que je ne cesse de viser en consultation ! Prendre les médecins en otage sur ce que font les patients est insupportable. » Même son de cloche chez de nombreux confrères, qui refusent une obligation de résultats. « Si nous pouvons conseiller et orienter les malades nous ne pouvons en aucun cas faire à leur place hors il semble que 60% de nos patients ne nous disent pas la stricte vérité », souligne ainsi un généraliste exerçant en ville de manière regroupée.

Et même ceux qui se disent favorables demandent à connaître le montant et les modalités du forfait avant de se prononcer, suggèrent une expérimentation avant une généralisation, et se montrent très prudents : « Si ce forfait prend en compte l’éducation du patient diabétique et l’adaptation des doses d’insuline. Et bien sûr une cotation représentative de notre travail », avance un infirmier de ville. « Tout dépend du forfait et comment il s’articule, étant donné que nous sommes plusieurs professionnels à intervenir », ajoute un autre infirmier.

Plusieurs voix s’élèvent en faveur d’une rémunération mixte, qui combinerait paiement à l’acte et forfait. « Attention toutefois à ce que le forfait tienne compte des recommandations HAS et de ce qui est bon pour le patient. Par exemple certains diabétiques sont en régime diététique seul alors que la ROSP incite à prescrire de la metformine même lorsqu’il n’y a pas encore besoin d’un traitement médicamenteux. il faudrait conserver la tarification à l’acte mais mieux valoriser ce forfait annuel qui tiendrait compte des indicateurs pour encourager à un suivi de qualité », suggère un jeune médecin généraliste.

« Une rémunération mixte serait plus adaptée, abonde un autre médecin. Revalorisation de l’acte d’une part, revalorisation de la ROSP d’autre part ou bien adjoindre à l’acte un forfait diabétique semble plus approprié. Croire qu’un patient diabétique ne vient en consultation que pour du suivi chronique est une illusion. » « Je suis favorable à une rémunération forfaitaire, explique un autre généraliste, mais en conservant une part de rémunération à l’acte (faible) pour éviter que les médecins négligent de faire des actes pour lesquels ils ne seraient pas rémunérés. »

« Pour la capitation totale »

Certains, pourtant, font figure d’exception. « Je suis pour la capitation totale (avec libre choix) associée à des forfaits spécifiques pour chaque catégorie de soins », s’enthousiasme, minoritaire, un généraliste de plus de 55 ans. Un paiement au forfait serait « plus simple et plus éthique », avance un autre généraliste.

Par Fanny Napolier le 08-02-2019 in Egora.fr

Pour prendre le pouls des soignants avant de lancer la réforme de la rémunération, Agnès Buzyn a tenu à consulter les acteurs. Une vaste enquête, ouverte jusqu’au mois de mars, a été lancée fin janvier. En 18 questions, et quelques minutes, les soignants peuvent donner leur point de vue sur de nombreux thèmes liés aux financement des soins et aux modes de rémunération, et développer leurs réponses dans un espace de commentaires.

Pour répondre à l’enquête (par l’intermédiaire de Egora.fr) : cliquez ici :  Agnès Buzyn vous demande votre avis

Le courrier de notre Ministre

« Mesdames, Messieurs, 

Dès ma prise de fonction, j’ai dénoncé les effets paradoxaux de la course à l’activité à l’hôpital comme en ville, tant sur la qualité de la prise en charge des patients que sur les conditions d’exercice des soignants. Je ne les connais que trop bien pour les avoir éprouvés moi-même durant ma carrière de médecin.

Conformément aux orientations du Président de la République fixées lors du dévoilement de la stratégie de transformation du système de santé, un rapport sur la réforme des modes de financement du système de santé a été établi sous l’égide d’une task force présidée par Jean Marc Aubert. J’ai remercié ses membres pour la qualité du travail accompli et la pertinence des pistes proposées

.Mais pour que la réforme du financement fonctionne, il est indispensable que chaque acteur concerné, chacun d’entre vous, puisse être impliqué. Parce qu’il n’existe pas de réponse simple ou univoque aux problématiques complexes, aux objectifs multiples que fixe ce rapport, j’ai besoin de vos avis, de vos remarques et de vos propositions avant d’engager cette transformation nécessaire de notre système de santé. Vos réponses aux questions ouvertes de ce formulaire enrichiront ma réflexion et les mesures à venir.

Je souhaite que cette phase de concertation puisse se terminer au mois de mars. A son issue, je donnerai mes orientations sur la définition du schéma cible du financement du système de santé, pour que la task force et les différentes administrations préparent les mesures de transformation, qui pourront être inscrites dans la loi de financement pour 2020 et pourront donner lieu à l’ouverture de nouvelles négociations conventionnelles.Je le sais, vous avez besoin dans l’intérêt de vos patients de méthodes de financement plus claires, plus directement liées à vos métiers et à leurs valeurs profondes. En somme, un système de santé du XXIème siècle, pour le XXIème siècle.

Je suis convaincue que nous y parviendrons ensemble. Je vous remercie. 

Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé  »

9 Commentaires

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  1. Je reste attaché au paiement à l’acte , base de notre activité libérale.
    Quand on voit l’etat d’esprit des administratifs sur le dossier des assistants médicaux, on peut craindre la même dérive sur les contraintes liées aux forfaits.

  2. Bonjour la paperasserie, bonjour la mise sous tutelle des caisses. Soumission au bon vouloir d’un administratif de la Sécu quand au suivi des indicateurs. Que dire quand les forfaits vont baisser pour répondre aux besoins économiques.
    Les médecins sont là pour soigner leurs patients et non pas pour répondre à des critères économiques décidés par des administratifs.
    On se rapproche là du système anglais dont on connait l’efficacité…
    Rappelons que la Sécu est une assurance ( même si elle est obligatoire)que prennent les patients pour se faire rembourser des soins prodigués par les médecins. Ce n’est pas l’employeur des médecins!
    Battez-vous, mais cela me semble mal parti.

  3. Si nous acceptions un forfait de soin, il faudrait aussi avoir les avantages des salariés et nous accorder un « forfait congés-payés » de 5 semaines par an pendant lesquels nos frais fixes seraient pris en charge par la Sécu ! qu’en dites-vous madame la Ministre qui étiez salariée des hôpitaux ?

  4. Bravo pour les commentaires pertinents
    Amitiés
    Jean michel

  5. J étais un peu frileuse de prendre ma retraite ,mais en voyant tout cela je vais me précipiter a la Carsat et carmf pour préparer mon dossier , et si je pousse un peu plus loin la réflexion je vends tout et je me tire , je fais le tourde France et je vais squatter chez tous les mecs de la fniairrhs ????

  6. ils ne nous proposerons jamais le statut des médecins britanniques.
    Nous aurons le carcans des démarches administratives pour nous faire payer les forfaits
    J’espère que les syndicats vont réagir
    il faut solliciter Ortiz et Honorat pour Blois

  7. Moi qui déjà rame avec mes codes pour aller sur le moindre site ( le labo la RX améli le système qui envoie les lettres de l’hôpital..,si en plus pour se faire payer il faut facturer par internet puis voir si les virements se font c’est déjà galère avec les ALD ! Je prends ma retraite !!

  8. LU

  9. c’est vrai que la retraite est une perspective … Mais quid des futurs patients que nous sommes tous ?
    quelle tristesse de voir ce système de santé qui avait fait ses preuves laminé par des intérêts financiers !!!( car derrière cette réforme il y a les mutuelles / assurances qui se préparent à se partager le marché …)

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