Mode d’exercice, durée d’installation : à quoi ressemblent les généralistes de demain ?

La multiplication de stages en ambulatoire pourrait-elle être la solution à la demande de soins et à la pénurie de médecins généralistes ? C’est ce que révèle aujourd’hui une enquête de l’Intersyndicale nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (Isnar-IMG). Selon eux, les choix de stages des internes auraient un impact déterminant dans leurs pratiques et leurs choix en tant que jeunes médecins.

C’est un constat qui ne surprend plus personne : si le nombre de médecins est élevé aujourd’hui en France, celui des médecins généralistes, lui, diminue chaque année. Une étude de la Dress estimait en 2017 à 7% la décroissance des effectifs de médecins généralistes en activité régulière, même si leur nombre augmentera progressivement à partir de 2025. Une autre étude de la Dress montrait, la même année, que l’exercice libéral était en diminution. Tendance qui devrait se poursuivre au moins jusqu’en 2040.

En parallèle de tout cela, la France fait face à une demande croissante de soins. La répartition des jeunes médecins dans les territoires est donc un enjeu majeur pour l’accès aux soins, affirme l’InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (Isnar-IMG), qui publie ce mardi 28 janvier une enquête montrant l’impact des stages en ambulatoire dans l’installation rapide après la fin de l’internat.Nationaliser les centres de santé, fin du paiement à l’acte… Les solutions d’un MG contre les déserts 

Véritable enjeu pour la profession, mais aussi dans les élections municipales à venir, cette enquête se concentre plus particulièrement sur les SASPAS (Stage ambulatoire en soins premiers en autonomie supervisée) qui influent de manière nette, selon leurs chiffres, sur le type d’activité envisagé, la zone et le délai d’installation des jeunes médecins. Et qui est donc, à leurs yeux, une réponse pertinente à cette problématique.

Impact des stages sur l’installation

D’après l’enquête de l’Isnar-IMG, 82% des répondants à l’étude* envisagent une installation en médecine générale ambulatoire et parmi eux 35% envisagent de s’installer dans les trois ans qui suivent l’internat. Les internes sans projet d’installation représentent, quant à eux, 18% de l’échantillon.

La différence entre ceux qui ont réalisé un seul stage en ambulatoire et plusieurs stages en ambulatoire est flagrante : le taux de projet d’installation passe de 69% à 90%. Dans les faits, les 3/4 des jeunes généralistes installés moins de 14 mois après l’obtention de leur diplôme, avaient effectué un SASPAS.

Pourquoi ? “Cette période de stage est une sorte d’incubateur, elle permet de pallier ce qu’on retrouve pendant une durée de remplacement, explique la présidente de l’Isnar-IMG, Marianne Cinot. Elle permet de se créer des contacts, d’avoir plus d’assurance, de comprendre le fonctionnement du cabinet. Il y a aussi le fait que les futurs généralistes s’installent dans des zones qu’ils connaissent.” Internes de MG seuls dans le désert : la mesure controversée passe aux oubliettes

Quelle implantation géographique ?

Après un SASPAS, c’est le semi-rural qui semble le plus attrayant pour les jeunes médecins. 63% d’entre eux ont un attrait marqué pour ce type d’exercice, alors que le rural attire 20% des internes et les villes, 17% des internes. “Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce résultat : les internes ne connaissent pas forcément les zones rurales, ils ont construit un projet de vie dans leurs villes de facultés pendant les six premières années… Il est nécessaire de leur faire découvrir les territoires et de les accompagner dans leur installation”, appuie l’enquête.

Moins de 10% des jeunes généralistes n’ayant réalisé aucun stage en zone rurale s’y sont installés contre 43% de ceux ayant réalisé deux stages en zone rurale. Le SASPAS multiplie ainsi la proportion de chances d’installation dans ces espaces car il permet de découvrir les spécificités du territoire et de lever les appréhensions liées aux particularités du bassin de vie.

À partir de quand un interne de MG est-il mûr pour remplacer ?

L’exercice regroupé plébiscité

Une tendance nette se dégage : la volonté des futurs médecins généralistes d’exercer en exercice regroupé. Ainsi, 95,5% des internes en dernière année ou diplômés thésés interrogés plébiscitent des projets d’exercice en cabinet de groupe (54%) ou MSP (41%) dans leurs projets d’installation.

22% des jeunes généralistes interrogés au cours de cette enquête n’ayant jamais réalisé de stages en MSP y exercent aujourd’hui contre 64% de ceux qui ont réalisé deux stages. “Il y a une vraie corrélation avec le fait de faire un stage, ou non”, affirme Marianne Cinot.

Plus de Maîtres de stages universitaires (MSU) : l’une des clés

“On voit qu’il n’y a pas de crise de vocation, mais plutôt un problème de moyens”, explique Matthieu Thomazo, porte-parole de l’Isnar-IMG. Le syndicat plaide pour une augmentation des maîtres de stage universitaire. “L’accueil d’un étudiant dans un territoire sera un véritable levier pour qu’il s’installe par la suite dans ce même territoire. Se former à la médecine générale ambulatoire permet de découvrir également les différentes professions de santé et leur mode d’exercice. Le nombre important de MSU dans des territoires et modes d’exercice variés est nécessaire pour maintenir la diversité des pratiques et des lieux d’installation dans le temps”, affirme le syndicat dans son enquête.

Les autres leviers pour une meilleure attractivité et offre de soins concernent surtout la logistique (aides au logement, transport et installation) et la découverte du territoire de manière globale. Une précédente enquête de l’Isnar-IMG avait d’ailleurs constaté que la présence de services publics était un déterminant majeur à l’installation. “Les médecins sont rarement les seuls absents d’un territoire”, rappelle le porte-parole du syndicat.

Améliorer l’offre d’enseignement

Ces mesures doivent s’accompagner d’une meilleure offre de formation pour l’Isnar-IMG. “Nous avons clairement identifié des freins dans le fait de ne pas se sentir prêts à gérer de manière autonome la partie administrative d’un cabinet, par exemple”, raconte la présidente. D’après une enquête sur les déterminants à l’installation menée par l’Anemf, l’Isnar-IMG, l’Isni-Réagjir et le Cnom, les futurs généralistes estiment qu’il existait des insuffisances dans le DES de médecine générale dans l’accompagnement à l’installation.MG France demande une « revalorisation immédiate » des honoraires de maîtrise de stage

Si de plus en plus d’étudiants de deuxième cycle peuvent réaliser le stage de Médecine Générale, censé être obligatoire depuis 2013, près d’un étudiant sur trois ne découvre en réalité la MG ambulatoire qu’au bout de la sixième année, lors de leur stage praticien niveau 1, soulève l’enquête.“Ce constat nous amène à plaider pour le développement de l’accueil des étudiants de deuxième cycle et à continuer de s’engager pour que tous les étudiants puissent réaliser ce stage”, détaille le syndicat. Chiffre à l’appui, l’Isnar-IMG révèle que 9 internes sur 10 ayant réalisé un SASPAS projettent de s’installer en médecine ambulatoire.

*Enquête réalisée sur la base d’un questionnaire de 29 questions, élaboré dans le cadre d’un travail de thèse par deux internes de médecine générale de Toulouse en collaboration avec le Bureau de l’Intersyndicale nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (Isnar-IMG). Diffusion du questionnaire auprès d’internes et anciens internes du 1er juillet au 1er novembre 2018. La population cible de cette étude correspondait à l’ensemble des internes en médecine générale en dernière année de Troisième Cycle des études médicales ; tous les étudiants en médecine générale ayant validé l’intégralité de leurs stages mais n’ayant pas encore obtenu leur thèse et enfin, les internes thésés des promotions ECN 2010 à 2014.

Par Marion Jort le 29-01-2020 in Egora. fr

7 Commentaires

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  1. situation complexe, ne faut-il pas inciter fortement les futurs MG à faire des stages dans des zones sous dotées ? et Si notre gouvernance veut d’un maillage du territoire à partir de 2025 on en passera sans doute par un numerus clausus à l’installation.

  2. Des stages en zones rurales ou semi-rurales en SASPAS apportent certainement des envies d’installation aux internes.Nous ferons pas marche arrière mais du temps de notre internat periph le maillage de ces zones ne posait pas de problème, bon nombre d’internes restaient en installation MG .

  3. Exact Président, à la fin de l’internat d’Arles, la majorité des anciens internes (généralistes et spécialistes) se sont installé à Arles ou dans les environs (Avignon, Salon, Aix, etc…) mais je suis l’exception qui confirme la règle car j’ai préféré revenir à Mandelieu, étant un enfant de Cannes !

  4. Les SASPAS semblent se substituer aux remplacements, qui ne sont maintenant autorisés qu’en fin d’internat.A notre époque, nous faisions des remplacements pendant l’internat, pour raisons financières mais aussi formatrices.Il était fréquent qu’un remplacement offrait une perspective d’installation.Peut-être ces SASPAS joueront-ils le même rôle

  5. je suis de marseille; j étais interne peripherique et je me suis installée à toulon; l internat péripherique c ‘était super; on y restait pendant 5 ans on se connaissait tous ; les patrons nous confiaient des responsabilites ,on apprenait notre métier , on faisait les urgences , on avait des relations avec les habitants de la région et on s installait naturellement , les internats péripheriques de toutes les régions fabriquaient des médecins à la vocation ( ce qui est moins sur pour les actuels medecins) et on n ‘avait pas peur de s’installer dans de petites villes ou village de la région

  6. Étudiante à Nantes, j’ai fait l’internat périphérique de Perpignan dans le département de ma mère où etait mon attrait. Je l’ai sillonné pour les activités de médecin de PMI. Les 1ers SASPAS arrivaient en PMI sur ces dernières années découvrant ce type d’exercice en couplant des périodes à un stage chez un généraliste péri-urbain=des envies d’installation en semi-rural se manifestaient effectivement .

  7. Tout à fait d’accord avec JeanClaude et Cathy .Et ce n’est pas que de la nostalgie .

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