Pourquoi nous nous touchons le visage en permanence et comment concilier cela avec le port du masque

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L’idée d’un port généralisé d’un masque fait son chemin. Reste à concilier ce geste barrière avec celui, réflexe, consistant à se toucher le visage.

Pour la sémiolinguiste Elodie Mielczareck, « la microdémangeaison fait partie de ces gestes quasi physiologiques qu’on peut très difficilement contrôler ou maîtriser ».
Pour la sémiolinguiste Elodie Mielczareck, « la microdémangeaison fait partie de ces gestes quasi physiologiques qu’on peut très difficilement contrôler ou maîtriser ». CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Une paire de lunettes qui glisse sur l’arrête du nez, le coin d’un œil qui gratouille, une oreille qui chatouille, cet ongle que l’on mordille, une rougeur que l’on palpe, cette mèche de cheveux que l’on tortille… les études le montrent : comme nos cousins les singes, nous passons notre temps à nous toucher le visage.

Seule différence notable entre les deux espèces, mise en exergue par une équipe de chercheurs (Diamond & Harris) en 1984 : « Les grands singes se micro-démangent beaucoup moins souvent que nous ! », relèvela sémiolinguiste Elodie Mielczareck, auteure de La Stratégie du caméléon, ouvrage consacré à la communication non verbale (Cherche Midi, 2019).

Pis encore, les humains le font avant même la naissance : en 2013, des scientifiques britanniques ont découvert que les fœtus portent la main à leur visage, pour découvrir le sens du toucher, mais aussi lorsque leur mère est en situation de stress. Et après, cela ne s’arrange pas : certains individus se touchent machinalement le visage jusqu’à… « trois mille fois par jour », écrivait l’ARS, en novembre 2017, dans un article consacré aux sept gestes barrières pour se protéger des virus en hiver.

« Gestes réflexes »

En 2015, une étude menée par Mary-Louise Mclaws de l’université de Nouvelle-Galles du Sud, à Sidney, et publiée dans l’American Journal of Infection Control, montrait qu’un groupe de vingt-six étudiants touchait, en moyenne, son visage vingt-trois fois par heure ; dans l’ensemble, 44 % de ces contacts impliquaient une muqueuse, 56 % des zones non muqueuses. Parmi les contacts avec les muqueuses, 36 % concernaient la bouche, 31 % le nez, 27 % les yeux et 6 % une combinaison de ces trois régions. En août 2019, une étude de l’université de Tokyo arrivait sensiblement aux mêmes conclusions.

Dominique Picard, psychosociologue, auteure de Politesse, savoir-vivre et relations sociales (collection Que sais-je, octobre 2019) rappelle que ce sont des gestes réflexes « autocentrés » dont on n’a pas toujours conscience.

« On se touche parce qu’on a besoin de contrôler ce qui se passe sur notre visage, parce qu’on a une mèche pas bien en place, le bord du nez trop luisant. On n’y pense pas forcément consciemment, mais on maîtrise son corps. »

Pour Elodie Mielczareck, « la microdémangeaison fait partie de ces gestes quasi physiologiques qu’on peut très difficilement contrôler ou maîtriser, tels la dilatation des pupilles ou les tremblements. C’est un bon indicateur de notre état interne : lorsque nous nous grattons, nous évacuons une tension ». Et en période de confinement, qui a tendance à augmenter le stress « vous allez avoir tendance à vous microdémanger davantage pour évacuer ces tensions », reprend la sémiolinguiste.

D’autant que « plus on est ému, plus on se microdémange… avec un certain plaisir », poursuit-elle :

« La microdémangeaison active certaines zones du cerveau associées au circuit de récompense, et désactive certaines zones associées à la douleur, comme l’a montré une équipe de chercheurs menée par Hideki Mochizuki. Tout cela participe au fait que l’on ne peut s’en empêcher, alors même que ce comportement est à risque. »Lire aussi  Faut-il généraliser le port du masque ? Le discours officiel commence à s’infléchir

Astuces

Comment, alors, parvenir à concilier ces gestes – quasi-impossibles à réprimer – avec le port du masque que les autorités appellent désormais de leurs vœux en France et au-delà ? Le « fait qu’il y ait un masque peut déjà nous rappeler qu’il ne faut pas se toucher le visage », estime Dominique Picard, qui ajoute qu’il faut prendre les gestes barrières « comme un système » :

« Chaque geste barrière n’a de sens que par rapport aux autres. C’est-à-dire que le port du masque n’a de sens que si vous maintenez la distance sociale, si vous vous lavez les mains. »

Et si la tentation persiste, « on peut apprendre à les contrôler, par le coaching », explique-t-elle. Le New York Times propose quelques trucs pour ne pas céder à la tentation :

« Lorsque vous ressentez l’envie de vous gratter, de vous frotter le nez ou d’ajuster vos lunettes, prenez un mouchoir et utilisez-le à la place de vos doigts. »

Les spécialistes interrogés par le quotidien suggèrent aussi d’être à l’écoute de ses comportements, pour savoir ce qui les déclenche, mais aussi de s’occuper les mains avec un objet, comme une boule antistress – qu’il faudrait bien évidemment nettoyer régulièrement. Et si c’est malgré tout plus fort que tout… de continuer à se toucher le visage en ayant pris soin de se laver les mains.

Par Pierre Bouvier Publié le 21 avril 2020 à 18h43 – Mis à jour le 23 avril 2020 à 09h45 dans le Monde.fr

11 Commentaires

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  1. Et si on a envie de se gratter les couilles, faut-il aussi mettre un masque sur la braguette ?

    1. Oh……!!!!!!!

  2. Oui

  3. Bien vu

  4. TOUT ET N’IMPORTE QUOI. RAZ LE BOL DE TOUTES CES SOIT DISANTES EXPERTISES

  5. Yannick, ton commentaire n’est pas conforme aux bonnes pratiques de communication sur un site (appelées la netiquette) . Je profite de l’occasion pour faire une mise au point.
    La forme : S’exprimer en majuscules signifie que l’on crie avec colère.
    Le fond: le contenu de ton message peut être perçu comme un reproche véhément à destination de la personne qui propose l’article, ce qui n’est pas justifié.
    J’imagine que ce n’était pas ton but aussi je te remercie à l’avenir de considérer que la communication par l’écrit ouvre plus facilement la porte aux malentendus que la communication verbale.

    1. c’est une habitude d’écrire en majuscules ,ça m’évite des va et vient pour les chiffres car j’ai un ordi portable ,loin de moi l’idée de colère et toutes mes excuses si cela a été perçu de cette façon

  6. Merci, intéressant!

  7. Importante notion que les spots grand public anti-COVID19 relaient dans leurs explications et préconisations. Merci Danièle des références associées par les liens en bleu.

  8. Merci Yannick !
    Cet article m’a paru intéressant, observant un port du masque parfois inadapté en ville comme à l’hôpital, avec des liens intéressants également.
    Bises. Danièle

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