Des nouvelles alarmantes : « L’hôpital va s’effondrer comme une barre obsolète de banlieue » (Pr Philippe Levy)

Voici un article jugé remarquable par Jean Michel Hervochon qui me l’a adressé pour publication. En fin d’article et pour aller dans le même sens je me suis permis d’ajouter un lien vers un reportage tv diffusé récemment.

Dans une tribune au Parisien – Aujourd’hui en France, le professeur des universités Philippe Lévy « lance une alerte de plus afin que le grand public perçoive les enjeux de ce qui est en train de se dérouler » à l’hôpital.

Par Par OpinionLe 13 octobre 2019 à 08h55

Philippe Lévy, professeur des Universités, chef de Service, Hôpital Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine)

« De tous les centres hospitalo-universitaires (CHU) et de la majorité des centres hospitaliers généraux s’élève la même plainte. L’épuisement du personnel, la perte de sens et — c’est nouveau — l’insécurité des soins y sont décriés. L’AP-HP est emblématique car c’est le plus grand établissement hospitalier d’Europe. Je souhaite par ces quelques lignes lancer une alerte de plus afin que le grand public perçoive les enjeux de ce qui est en train de se dérouler.

Le personnel non médical — infirmier(e) s, aide-soignant(e) s, psychologues… — est écrasé en raison de salaires de misère, de plannings sans cesse modifiés, de l’impossibilité de se loger à proximité des hôpitaux, de la destruction des équipes attachées à un service, ne permettant pas une formation adéquate ni la transmission du savoir ni la solidarité. Les infirmières n’ont plus les moyens d’accomplir leurs tâches dans le temps imparti… On doit fermer des lits par secteurs entiers, restreignant les capacités d’accueil. Il n’y a plus d’assistantes sociales pour accompagner la prise en charge des patients précaires.

Dans les hôpitaux, il manque des manipulateurs radio. L’AP-HP remplace les secrétaires par des logiciels qui font des courriers. Mais les secrétaires organisent le temps des médecins, sont capables de distinguer l’urgence de l’accessoire, de gérer l’angoisse… L’encadrement ne contrôle plus le soin. Il est saturé par la gestion des plannings, les glissements de tâches. L’AP-HP a été sévèrement touchée par la réforme des pôles qui a détruit les unités fonctionnelles qu’étaient les services autour du chef de service. La création des pôles a généré d’innombrables réunions, des mises en place d’indicateurs de performance. Les super pôles interhospitaliers ont été inventés avec un responsable médical et un cadre paramédical très éloignés des différents services et de leurs préoccupations. Les super pôles ont encore moins bien fonctionné que les pôles. Puis on a créé, sans plus de succès, les départements médico-universitaires. Les jeunes médecins sont maintenus dans un état précaire pendant des années. Malgré des besoins évidents de titulaires, ils restent contractuels et sont renouvelés (ou non) tous les six mois. Ce sont pourtant des bacs +10, responsables de vies humaines !

Les rapports avec les directions sont de plus en plus difficiles. Elles ne sont plus au service des équipes médicales, c’est l’inverse. Il nous faut remplir des objectifs, expliquer des déficits, signer des contrats qui n’engagent que le corps médical. Il y a à l’AP-HP un administratif pour deux médecins…

On le comprendra, le problème de l’hôpital ne se limite pas aux urgences. C’est être aveugle que de le croire, de le dire, voire de le clamer. Voilà, mesdames et messieurs les futurs usagers, rapidement brossé le paysage dévasté de ce qui est fait de l’hôpital public censé pourtant assurer les soins au plus haut niveau de tous, pauvres comme riches, et assurer la recherche d’excellence et la formation. Nous sommes à un point de non-retour où l’hôpital public va s’effondrer comme une barre obsolète de banlieue sous le regard avide de l’hospitalisation privée. Le corps médical et paramédical ainsi que la population doivent dire stop et se lever. Plus que temps! »

Vous trouverez en cliquant ici le reportage tv

https://my.pcloud.com/publink/show?code=XZn8S8kZTlvNwdUdj5YdOBsWM22Jv5KJl64k

16 Commentaires

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  1. C’est bien la triste vérité : les surveillantes qui sont devenus des cadres et on arrive à 1 administratif pour 2 praticiens ! système sclérosé, manque de moyens, non décisions un ensemble de choses qui désenchante les plus motivés c’est triste et décourageant alors que nos métiers ont fait des progrès considérables dans tous les domaines
    Pour compléter ce constat les coordonnées d’une émission passé jeudi dernier à « Complément d’enquête » merci Serge

    https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/complement-d-enquete/complement-d-enquete-du-jeudi-24-octobre-2019_3644019.html

  2. Douloureux et terrible constat. Et que peut-on faire pour revenir en arrière, ce temps où chef de service avait un sens….

  3. Ça fait peur ….comment allons nous être soigné dans qq années

  4. tout cela est parfaitement vrai ,n’est pas recent, et s’aggrave dans le temps (je l’ai vecu jusqu à l’an dernier… )

  5. lu !!! triste

  6. Les bureaucrates formés à l’ENSP ont progressivement pris le pouvoir et n’ont pas le souci premier la santé mais la rentabilité de la structure hospitalière dont ils ont la charge
    Après 40 ans d’exercice je suis désabusé..

  7. J’ajouterai pour la petite histoire de la Fede cet aphorisme déclame par notre regrette président fondateur Claude Letitre devant les ediles et représentants du ministère lors du repas de cloture du congres de Pougues les Eaux :
    Un hôpital sans un bon directeur est comme un trou du cul sans poils
    Dont acte

    1. Bravo à notre président fondateur

  8. C’est affligeant mais ça fait plusieurs années que j’attire votre attention sur la mort de l’hôpital public. Pouvoir surdimensionné du directeur , la CME qui ne sert plus à rien et un seul objectif de type économique Des situations qu’on aurait même pas pu imaginer il y a 20 ans comme la fermeture 24 heures d’un smur devient monnaie courante le préfet est averti l’A RS est avertie et il ne se passe rien. La France n’a plus les moyens de sa santé

  9. Perte de sens : c’est le constat réel le plus terrible.
    Solitude du médecin hospitalier dans son exercice.
    Mon pessimisme depuis plusieurs années, malgré ma foi hospitalière chevillée au corps, trouve malheureusement écho de plus en plus.
    Et pourtant, faut-il se résigner ?
    J’ai rencontré dans la mission ANAP à laquelle j’ai participé cette année des personnes remarquables et motivées.
    C’est la motivation qu’il faut retrouver.
    Comment, sans moyens humains et financiers ?
    Cependant, pas seulement, car la société a aussi profondément changé.

  10. Cela fait bientôt 30 ans que je fais de l’humanitaire avec l’association AMPHORE-INTERNATIONAL que j’ai créée en 1990 pour aider les hôpitaux d’Asie et d’Afrique, et devant l’évolution exponentielle de la médecine hospitalière au Vietnam, j’avais dit il y a 10 ans au Directeur de mon hôpital de Grasse que quand je prendrai ma retraite au Vietnam je vais créer Amphore-France pour venir aider les hôpitaux français ! Car maintenant, les moyens en matériel et en personnel qualifié des hôpitaux asiatiques, même provinciaux dépassent déjà les moyens français par exemple les services d’ORL sont sur-équipés en ordinateurs et vidéo-endoscopes et tous les examens pratiqués par le praticien sont immédiatement numérisés et imprimés par le personnel para-médical (pléthorique) pour le patient qui repars avec son diagnostic, les photos couleurs de ses cavités ORL et l’ordonnance imprimés ! Mais la seule différence est que la médecine est payante sauf pour les fonctionnaires ou les employés assurés par les grandes entreprises ! Où va la pauvre médecine hospitalière française ?

  11. lu

  12. une des raisons de cette dégradation est que l’administration et les directeurs ont pris le pouvoir sur l’activité médicale et qu’ils méprisent totalement les soignants.
    Renverser la vapeur semble actuellement, malheureusement, illusoire.

  13. lu et affligeant

  14. Bien d’accord avec Jacques
    Quelle tristesse

  15. Cela fait dix ans que j ai refusé de renouveler ma chefferie de service puis quitté l’hôpital public pour ces raisons…

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