Hôpital, Hospice, service public, accueil des plus démunis …… c’est fini (sous couvert de bonnes intentions)?

A l’avenir, aux urgences, ne pas prendre en charge certains patients sera mieux rémunéré que de les soigner.

En effet, on incite l’Hôpital en lui donnant 60 euros à renvoyer un patient et on rémunère 30 euros le généraliste libéral pour le prendre en charge… C’est une façon technocratique d’évaluer la valeur de travail ?

Forfait de réorientation des urgences : « Certains peuvent y voir un financement pour ne pas soigner »

Alors que le forfait de réorientation des urgences fait grincer des dents du côté des généralistes, le Dr Olivier Véran, député LREM à l’origine du projet décrypte son idée et répond aux critiques des médecins libéraux.

Egora.fr : Pouvez-vous expliquer le concept du forfait de réorientation des urgences ?

Dr Olivier Véran : Le forfait de réorientation des urgences est une incitation donnée à l’hôpital pour développer des modes alternatifs de prise en charge de consultations non-programmées qui ne relèvent pas du plateau technique.

On tire le constat que beaucoup de patients vont aux urgences alors que ça n’est pas nécessaire. Ils s’y rendent faute d’avoir trouvé une solution en ville, parce qu’ils sont inquiets, que c’est plus simple ou qu’il n’y a pas de reste à charge. Cela participe à l’augmentation de l’activité constatée dans les services d’urgences.

Il y a des endroits dans lesquels on ne peut pas faire autrement. Il s’agit de lieux où il y a très peu de médecine de ville et peu de perspectives d’en développer. Il y en a d’autres dans lesquels une offre alternative de soins peut être mise en place, en ou hors des murs de l’hôpital. Il y a par exemple des polycliniques qui ont pu être montées dans lesquelles les libéraux viennent consulter. Dans les endroits qui ont déjà mis au point ce type de structure, le système de financement des urgences est désincitatif.

Quand un hôpital veut réduire le nombre de patients qui arrivent aux urgences pour les réorienter vers d’autres types de structure il perd le financement lié aux passages des patients. Et comme par définition, ce sont les patients les moins graves qui sont concernés, cela ne permet pas à l’hôpital de réduire sa masse salariale. L’établissement a besoin d’avoir autant de médecins et d’infirmières car le travail reste très lourd, mais il n’a plus tous les financements qui allaient avec. Certaines structures se montent. Elles fonctionnent bien, voire tellement bien que beaucoup de patients sont réorientés. Du coup, le financement des hôpitaux chute et ils ferment.

Avez-vous des exemples concrets ?

J’avais constaté ce problème lorsque j’avais travaillé en mission sur le financement de l’hôpital. Je citais dans mon rapport l’exemple de Poissy Saint Germain. Ils avaient développé ce système en pédiatrie et réorienté beaucoup d’enfants vers des structures qui faisaient appel à des pédiatres et généralistes libéraux. C’était très efficace. Un jour l’Assurance maladie a dit « on paye les consultations des libéraux, on ne va pas vous payer le forfait que vous percevez pour la venue du patient aux urgences. Ils ont donc tout coupé. Résultat, l’hôpital a perdu 200 000 euros. Ils ont donc menacé de fermer. Pour éviter cela, l’ARS leur a donné une subvention. Au final, c’est exactement le même procédé que le forfait de réorientation. La seule différence c’est qu’avec ce forfait on fonctionne au patient.

Nous avions cherché plusieurs alternatives pour éviter de telles situations…

En réalité, je trouve que le mode de financement de l’hôpital est abscons. Financer les urgences à l’activité n’est ni cohérent, ni vertueux. Trouver des moyens d’expérimenter d’autres modalités de financement peut paraître pour certains bizarre, mais parfois, on n’a pas le choix.

60 euros par patient réorienté… L’idée s’est imposée tout de suite ?

Cette expérimentation est réalisée sur la base du volontariat. Nous avions plusieurs options. Nous pouvions donner un forfait global aux établissements de santé qui développent une offre alternative, ou le donner par patient. Nous avons opté pour la deuxième option. Certains peuvent y voir un financement pour ne pas soigner. Je peux parfaitement comprendre les critiques qui portent là-dessus. J’invite seulement ceux qui critiquent à s’intéresser aux situations de blocage qui sont au moins aussi incohérentes et que l’on peut constater dans plusieurs endroits du territoire. Certaines démarches fonctionnent bien et font d’avantage appel à la coordination ville/ hôpital mais sont bloquées par les règles de financement actuelles.

Les 60 euros ont été fixés par le DGOS. Cela faisait partie du rapport Aubert. Si un patient arrive aux urgences on peut imaginer qu’il soit examiné au moins succinctement pour vérifier que son état de santé ne nécessite pas le plateau technique lourd de l’hôpital. Si besoin, il peut donc être réorienté, vers un médecin généraliste de permanence par exemple. Il n’y a pas de crainte que trop de patients soient réorientés parce que pour un service qui est rémunéré à l’activité, percevoir le forfait de 60 euros est moins intéressant que de percevoir le financement lié à chaque venue aux urgences. L’idée est simplement de supprimer la désincitation de réorienter le patient.

Les généralistes réclament, eux aussi, un forfait de 60 euros pour soigner les patients réorientés, est-ce légitime selon vous ?

C’est une réaction qui était prévisible et que je peux parfaitement comprendre. Mais il faut que les médecins libéraux voient qu’il s’agit d’une opportunité de travailler en lien avec les structures hospitalières pour développer des solutions alternatives aux urgences. Beaucoup les ont déjà mises en place, de façon isolée ou regroupée. Je vois aussi des médecins libéraux qui sont regroupés en maison de garde, non loin de services d’urgences et qui ne comprennent pas pourquoi l’hôpital ne leur renvoie pas de patients. Cela peut aussi être intéressant de pouvoir participer à cette structuration du maillage et de la prise en charge des soins urgents, non-programmés mais pas graves. Au lieu de donner 150 euros à l’hôpital pour un patient qui a une otite, on le paye moins et en échange le patient est pris en charge dans une structure type de consultations non programmées située dans ou en dehors de l’hôpital.

Par Sandy Bonin le 11-02-2020 in Egora.fr

7 Commentaires

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  1. Il ne manque pas d’air celui-là : 60 € pour « examiner succinctement le patient » et le renvoyer à un médecin de ville qui, lui, fera un examen complet pour 30 €!!!!

  2. on marche sur la tête !

  3. Idée totalement absurde, ce Véran marche à l envers. Ce n est pas déplacer des gens des urgences vers le libéral qui est à faire , mais aiguiller en premier vers le libéral .
    D autre part, il y avait des maisons médicales accolées aux urgences à Strasbourg qui sont partis , car les urgences gardaient les cas de médecine générale (vive laT2a)
    Cette optique de maison médicale accolée aux urgences serait une bonne solution si ces derniers jouent le jeu (et sans toucher 60€ un vrai scandale)

  4. je suis atterrée!!!!!

  5. Le pb des maisons médicales accolées à l’ Hôpital c’est le dispatching par le personnel des urgences…personnes aux urgences on garde tout le monde , trop de monde on détourne sur la maison médicale…du moins c’est ainsi à Gassin 83
    Donc de moins en moins de généralistes volontaires…..pour Noël c’est le préfet qui a réquisitionné

  6. A l’hôpital de Grasse, les patients paraissent satisfaits des consultations des généralites de la maison médicale qui fonctionne le soir et le week-end au sein de l’hôpital dans les locaux des consultations externes qui sont alors inoccupés ! cela décharge efficacement le service des urgences au profit des vraies urgences !

  7. Lu. Dans cer article, ce député ne parle pas de la régulation téléphonique des généralistes au centre 15. Était-elle étudiée dans le rapport Aubert et dans les propositions de O. Véran ? À Perpignan, elle permet de dispatcher en amont du monde sur la Maison Médicale qui est non loin des Urgences dans le même bâtiment hospitalier principal.

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