les professionnels de santé encore très partagés sur la légalisation de l’euthanasie

Article extrait du JIM

Aurélie Haroche – Paris, le lundi 25 juin 2018

Les professionnels de santé et plus encore les médecins sont considérés comme toujours majoritairement hostiles à l’idée d’autoriser et d’encadrer légalement la pratique de l’euthanasie. Le député et professeur de médecine Jean-Louis Touraine, très favorable à une évolution de la société française sur ce sujet, affirmait ainsi récemment à l’occasion d’une réunion publique à Lyon sur ce thème : « Sur le cancer, une grande majorité de patients reçoivent des chimios dans les quinze derniers jours de leur vie. Les médecins veulent repousser éternellement la fin de vie, mais il faut savoir se résigner lorsqu’il y a une impasse thérapeutique qui signifie qu’il n’y a plus d’espoir. La médecine ne doit pas prétendre atteindre à l’immortalité et la médicalisation de la mort a des inconvénients qu’il nous faut dénoncer » martelait-il….

Une évolution certaine

Cette appréhension de la position de ses confrères est sans doute liée à une longue série d’enquêtes d’opinion ayant confirmé le rejet par les médecins français d’une loi permettant l’euthanasie. Ainsi, quand il y a dix-huit ans les Pays Bas étaient le premier état au monde à adopter une loi autorisant cette pratique, les professionnels de santé français avaient été sur le JIM 74 % à se déclarer hostiles à l’entrée en vigueur de dispositions similaires en France. Cependant, l’appréhension des professionnels de santé a connu des évolutions importantes. Sans rejoindre la quasi-unanimité qui paraît exister dans la société française si l’on en croit la plupart des enquêtes d’opinion menées sur le sujet, on a pu constater un renversement de majorité en 2012. Un nouveau sondage réalisé sur notre site révélait ainsi que 53 % des professionnels de santé se disaient favorables à une loi encadrant la pratique de l’euthanasie.

Un écart majeur entre médecins et infirmières

Alors qu’à la faveur de la révision des lois de bioéthique, beaucoup souhaitent que le sujet soit de nouveau abordé par l’Assemblée nationale (ce qui ne semble pas être le projet du gouvernement), le JIM a une nouvelle fois interrogé ses lecteurs.

Sondage réalisé sur JIM du 24 avril au 13 mai 2018

 

Les résultats révèlent que les professionnels de santé demeurent très partagés : ils sont autant (49 %) à s’être déclarés favorables et défavorables à une légalisation de l’euthanasie, telle qu’elle existe en Belgique et aux Pays-Bas, tandis que 2 %, peut-être déconcertés par la référence à des pays où la possibilité de dérives n’est pas exclue, ont préféré ne pas se prononcer. Ces chiffres ne permettent pas de mesurer les fortes différences existant en fonction des professions : ainsi si 84 % des infirmières qui ont participé à notre sondage se disent favorables aux législations européennes pro euthanasie, de même que 56 % des pharmaciens, seuls 37 % des médecins répondeurs partagent cette position.

Cette divergence n’est sans doute pas étrangère au fait qu’une légalisation de l’euthanasie déléguerait aux médecins les plus importantes responsabilités, qu’il s’agisse du recueil du souhait du patient, de l’analyse de sa demande et surtout de la réalisation du geste létal. Cette dimension explique très certainement, pour partie, l’écart marqué que l’on retrouve en fonction des professions. De même que les infirmières sont peut-être plus souvent aujourd’hui les premiers destinataires des demandes d’aide à mourir.

Sédation profonde : une avancée suffisante

Notre sondage met également en évidence un recul de la part de professionnels de santé favorable à l’euthanasie, par rapport à notre enquête réalisée en 2012. Peut-être faut-il y voir ici l’effet de la loi des députés Claeys et Leonetti, qui pour beaucoup de soignants pourrait répondre à un grand nombre des situations qui demeuraient impossibles à résoudre sous l’ère de la première loi Leonetti. Un sondage réalisé sur notre site avait ainsi révélé une large adhésion (62 %) des professionnels de santé à l’instauration d’un droit à la sédation profonde et continue, que seuls 18 % considéraient comme une « euthanasie déguisée ».

Le fait que cette nouvelle possibilité ne paraisse qu’insuffisamment mise en œuvre, comme le signalait un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), pourrait cependant ne pas remettre en cause le sentiment pour un grand nombre de professionnels de santé qu’il s’agit d’une loi adaptée. Enfin, outre le refus de participer à la mort des patients qui entre en contradiction pour beaucoup de praticiens avec le sens premier de leur mission, l’existence de dérives dans l’application des lois belges et néerlandaises, dérives régulièrement signalées par la presse, peut également contribuer à la position des professionnels de santé sur le sujet.

Des sociétés savantes toujours hostiles

Néanmoins, ce sondage met également en évidence la fin de l’opposition majoritaire et franche des soignants, ce qui témoigne combien l’évolution de la société sur ce sujet concerne également les professionnels de santé ; même si ces derniers pourraient être plus conscients que d’autres du fait que le caractère plébiscitaire des sondages sur le sujet a des limites que l’on retrouve quand les personnes sont interrogées sur leur propre cas et sur les risques de dérives. Enfin, les limites des soins palliatifs, plus encore dans les conditions actuelles de contraintes budgétaires, ont pu souffler à certains professionnels de santé une inflexion sur ce débat très complexe. Pour autant, aujourd’hui, les représentants des professionnels de santé n’ont pas nuancé leur position. Le récent avis de synthèse sur les états généraux de bioéthique constatait ainsi : « L’ensemble des sociétés savantes (représentant les soignants) auditionnées s’oppose à l’ouverture d’un droit au suicide assisté ou à l’euthanasie, et juge la législation actuelle à la fois suffisante et humanisante mais insuffisamment mise en œuvre. Le corps médical insiste, en effet, sur l’efficacité de la sédation comme démarche soignante tout à fait à même d’apaiser les souffrances du patient en fin de vie, y compris les plus lourdes ».

 

Aurélie Haroche

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4 Commentaires

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  1. Sujet O combien difficile, je pense de toute façon qu’il faut que ce soit le malade lui-même qui décide en amont de sa volonté qu’il n y ait pas d’acharnement thérapeutique, et quand il n’ y a plus d’espoir laisser le malade partir sans qu’il souffre.

    Je suis très embarrassé par ce sujet mais des souvenirs personnels m’ont sans doute poussé à ces commentaires.

  2. Lu

  3. Lu

  4. A l’époque où je pratiquais la cancérologie ORL hospitalière, on aidait de temps en temps les patients au stade dépassé à accélérer la fin de vie chimiquement en consensus médecin-infirmière, par l’injection de DPL ! et tout le monde était soulagé (surtout la famille)

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