Réforme de la santé : ce qu’a demandé le président de l’Ordre à Macron

Après l’annonce du plan pauvreté la semaine dernière c’est la réforme du système de santé qui doit être annoncée ce mardi par le Président de la République. Las de voir se succéder des réformes qui n’en portent que le nom depuis des dizaines d’années, le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l’Ordre des médecins s’est confié pour Egora, en exclusivité, sur ce qu’il attend du plan qui va être annoncé.


« Je ne sais pas encore si ce qui sortira mardi sera une réforme. Nous sommes comme tout le monde, en train d’essayer de scruter pour savoir ce qu’elle va contenir. Nous avons eu l’occasion de nous exprimer, depuis plusieurs mois maintenant, auprès de différents acteurs que soit au ministère de la Santé, l’Elysée ou un peu moins Matignon.
Ce que nous attendons, très clairement, c’est un axe fort qui montre que l’on fait une réforme et une transformation du système de santé, et pas simplement que l’on essaie de réparer ce qui pourrait être réparable. Il faut aller dans le sens du territoire, de la professionnalisation, de la coopération entre les acteurs et du décloisonnement ville hôpital.
Nous voulons amener les jeunes à sortir de l’hôpital universitaire

Il faut annoncer que les études de médecine vont professionnaliser les jeunes dans les territoires. Il faut, non pas se contenter de dire, qu’on va faire des stages pour les internes, mais avoir une vraie politique de professionnalisation des internes dans les territoires. Nous voulons les amener à travailler dans les équipes, sortir de l’hôpital universitaire, travailler en coopération avec les acteurs de ces territoires. Nous voulons que soient mis en place les moyens pour qu’ils puissent y aller, y être hébergés et y travailler. Il faut une vraie réforme sur ce sujet.
Le deuxième axe qui nous semble important est d’afficher une réforme des statuts des professionnels et décloisonner le rapport ville/hôpital. Il faut revoir le GHT (Groupement hospitaliers de territoires), qui est aujourd’hui en situation d’échec et le repenser pour les territoires. Il faut réinventer la place des hôpitaux et des équipes de soins de proximité. Il faut décloisonner ces structures pour créer un vrai parcours de santé des usagers dans les territoires. Il y a aujourd’hui des choses fondamentales à changer sur le cloisonnement qui existe en matière de parcours de santé pour les patients.
La ministre a déjà parlé de ces sujets, mais il ne suffit pas de le dire, il faut le faire. Tout le monde en parle. Nous sommes arrivés aujourd’hui à un point où tout le monde est à peu près arrivé à un consensus de diagnostic, voire même à des propositions équivalentes. Mais il faut transformer les paroles en actes, c’est-à-dire poser les principes de la loi.
Le système de santé est construit sur une logique solidaire

La constitution de l’équipe de proximité est un autre élément nous paraît très important. Il faut sortir de cette ambiguïté où l’on dit que l’on va prendre des morceaux de métier de l’un pour les mettre avec l’autre. Non. Il faut vraiment inscrire les coopérations et la construction de l’équipe de soins dans la loi. Je rappelle qu’elle existe à l’hôpital mais pas en ville. Il faut la construire comme une véritable équipe transprofesionnelle au service de l’usager dans les territoires.
Le quatrième principe fondamental, qui selon nous doit être affirmé par le Président de la République dans la loi, est que le système de santé est construit sur une logique solidaire. On entre dans le système de santé et la prise en charge des soins par l’Assurance-maladie. On voit bien aujourd’hui que la télémédecine permet à d’autres acteurs assurantiels de travailler à la contractualisation directe avec des coupe-files par rapport au système de l’Assurance-maladie. Sur ce point il faut très clairement rappeler que le principe de la France est d’entrer dans le parcours de soins par le parcours solidaire d’Assurance-maladie. Nous voulons que l’Etat édite des principes régulateurs forts pour qu’on ne puisse pas tout faire par la contractualisation directe, mais qu’il faille le faire par le biais de la solidarité. Un complémentaire, ce n’est pas un initiateur de prise en charge. Ce sont ces principes-là qui doivent sortir du discours pour entrer dans une réforme du système de santé.
Ce qui me fait peur c’est qu’il n’y ait pas de réforme et qu’on nous dise que par la voie du règlement, du décret, de l’arrêté, on va prendre telle ou telle disposition… Des mesures qui n’ont pas l’ampleur d’une vraie réflexion fondamentale sur le système de santé, ça me ferait peur pour le risque que court actuellement le système de santé. Je crains que ce que va dire le Président de la République ne se démarque pas de ce qu’ont dit ceux qui l’ont précédé. Qu’on nous mette encore une fois en avant l’équilibre budgétaire, les mesures économiques, les contraintes du système, le déficit de la France au niveau international.

Ne plus se cacher derrière l’économique pour ne pas répondre aux besoins fondamentaux

Il ne faut plus se cacher derrière l’économique pour ne pas répondre aux besoins fondamentaux des citoyens et des professionnels concernés par le système de santé. Ce qui me ferait peur c’est qu’on reste au même niveau de la réflexion que celui qui a prévalu depuis pratiquement 50 ans. Alors que c’est un moment où il pourrait y avoir un souffle réformiste fort, il ne faudrait pas que la santé soit le domaine où ce souffle ne rafraichisse pas l’ambiance.
Je n’ai pas de pistes sur ce qui va être annoncé, je suis dans l’attente. Il y a un secret qui plane autour des annonces présidentielles. La seule chose où nous avons acquis une certitude, c’est qu’il y a une conscience du besoin d’agir dans les territoires. Mais ça fait pratiquement un an qu’on nous le dit.
Si le Président annonce qu’on va vers une réforme du système de santé qui va régénérer le système, ses acteurs et la place des usagers, c’est une valeur ajoutée certaine qu’il prenne la parole en matière de poids et d’engagement politique. Par contre, s’il est dans un discours de présentation d’objectifs politiques et de mesures destinées à pallier le déficit que les différentes lois ont instauré, ça deviendra compliqué parce que ce n’est pas ce qui est attendu.
Pour le moment, nous avons le sentiment d’avoir été écouté. Ce que dira le Président de la République montrera si nous avons été entendus. »

Par Sandy Berrebi-Bonin le 17-09-2018 In Egora.fr

1 Commentaire

  1. Etant attaché à 4 vacations à l’hôpital de Grasse qui est à 15 mn de mon cabinet privé à Mandelieu, il y a longtemps que j’ai décloisonné les rapports public-privé car ma clientèle me consulte aux 2 endroits selon la disponibilité des rendez-vous en sachant que les malades venant de l’hôpital son tarifés en secteur 1, y compris pour les interventions chirurgicales si le délai est trop long à l’hôpital, par contre ma clientèle privée peut bénéficier d’une exploration qui n’est faisable qu’à l’hôpital ou bien peut consulter mon confrère ORL de garde à l’hôpital le week-end en cas d’urgence, en particulier en cas de complication post-opératoire éventuelle, ce qui rassure le malade et qui donne un confort de vie au chirurgien que je suis !
    Dr Bebel

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